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ARCHIVES FAMILIALES : CONSTANT VERLOT
Il y a 128 ans naissait à Paris Constant Verlot…

En faisant des recherches historiques sur les partis politiques de la Belle Epoque, je me suis souvenu que mon arrière-grand-père, mort en 1933, avait été député des Vosges. Un souvenir qui remonte en fait à la petite enfance et les étés passés dans la grande maison familiale dite « La Louvière » qu’occupait encore ma grand-mère sur les hauteurs de Senones (Vosges).
« La Louvière » aujourd’hui

Archive familiale : la 403 de mes parents devant la Louvière (1963?1964?)
Un itinéraire méritocratique, républicain et humaniste
Joseph Constant Verlot (1876-1933) n’est pas né dans les Vosges mais à Paris le 21 février 1876. Le registre d’état-civil [Archives de l'état civil de Paris, acte de naissance no 11/851/1876] précise que Joseph Constant est né au domicile de ses parents (Boulevard Richard-Lenoir, dans le 11ème). Le père de Constant – qui porte le même prénom - est issu d'une vieille famille vosgienne d’ouvriers-charpentiers (sise à Neufchâteau) et se déclare « fleuriste » - il vient en fait de créer à Paris une petite fabrique de fleurs artificielles, qui va prospérer et que reprendra son autre fils Adrien. Son épouse née Crotté a 21 ans et elle est « couturière », tandis que le registre de naissance est également signé du beau-père Antoine Crotté, 59 ans, sans profession, originaire de Moselle. Une famille vosgienne qui est « montée » à Paris, probablement suite à l’occupation prussienne de 1870/71, même si cette région demeure finalement française et résolument patriote.

Registre d’Etat-civil, Archives de Paris
Bon élève, intégrant l'Ecole Normale de la Seine, C.Verlot est nommé instituteur en 1896, puis devient professeur au collège Chaptal (Paris), signe d’une rapide ascension méritocratique pour ce petit-fils d’ouvrier. Franc-maçon (loge de Paris du Grand Orient), il s'oriente vers l'action politique mais aussi sociale et civique ; il crée notamment en 1902 « La jeunesse républicaine du IIe arrondissement » et de nombreuses associations de ce type sont ensuite créées en province et regroupées dans « L'union des jeunesses républicaines » dont il fut le président. Ayant fait de Senones - une cité qui fut au XVIIIème siècle la capitale de la petite principauté de Salm!- sa commune d'adoption, il en est élu maire et s’installe dans la «Louvière», qu’il partage avec une résidence à Maisons-Laffitte. Il est également élu au Conseil général des Vosges dont il est membre pendant de longues années et il détient ces deux mandats jusqu'à sa mort prématurée.
Constant Verlot épouse en juin 1903 Mathilde Crépin – très belle jeune femme, musicienne et cantatrice, premier prix de chant du conservatoire de Paris et qui aurait pu faire une très grande carrière ! - dont il a deux enfants, Henri (je ne l’ai pas connu pour d’obscures raisons familiales : il fut militaire et est l’auteur d’une Liste des Senonais natifs ou alliés ayant fait carrière dans l'armée française de la Révolution jusqu'à nos jours (!) d’un Essai rétrospectif sur la ville de Senones et ses habitants de 1870 à 1914 ainsi que d’un livre d’hommage à son père) et Germaine, ma grand-mère paternelle, morte en 1978, et que j’ai en revanche très bien connue et aimée).

Mathilde Verlot-Crépin, l’air un peu triste, assise au piano avec Henri et Germaine cliché Rol/BNF
Pendant ses mandats parlementaires, C. Verlot a été un cumulard associatif, membre du Conseil général de la Ligue française de l'enseignement, du Conseil supérieur de l'alliance républicaine démocratique, du Conseil supérieur de l'enseignement technique, du Conseil de perfectionnement de l'office national des mutilés et de nombreuses commissions techniques ministérielles (!). Il a collaboré à de nombreux journaux et revues, l'Action, l'Homme Libre, le Matin, le Journal d'Alsace-Lorraine. Chevalier de la Légion d'honneur au titre militaire, C. Verlot était aussi officier de l'Instruction publique et chevalier du Mérite agricole.
Il fait acheter en 1905 par la société civile des œuvres mutuelles des colonies de vacances une ferme à Senones sur le chemin de la roche Mère-Henry qui va devenir un lieu d’accueil pour les jeunes tuberculeux. Après la Grande Guerre, il fait reconstruire Senones - entièrement ruinée par les combats - et ouvre en 1921 un préventorium à la Combe, "La Cure d'Air", qui se développe - sous la co-responsabilité de Mathilde - comme un véritable village (il existait déjà à Nancy depuis le début du siècle une grande « Cure d’Air Saint-Antoine », créée à l’initiative d’ecclésiastiques et de bourgeois locaux mais qui ferma après la Grande Guerre).La guerre s’est en effet accompagnée d’une forte recrudescence de la mortalité tuberculeuse : de 1906 à 1918, la France passe du cinquième au deuxième rang des pays les plus exposés d’Europe et le taux de mortalité atteint 2 pour 1000 en 1917. C'est ainsi qu'est votée la loi Léon Bourgeois sur les dispensaires antituberculeux en 1916 et la loi Honnorat sur les sanatoriums en 1919, tandis que la fondation Rockefeller contribue au financement de la lutte contre ce grand fleau.

Affiche de la Fondation Rockefeller

Photos des ruines de la Louvière en 1919, cliché Rol/BNF

carte-postale du préventorium, collection particulière
Une riche vie politique de 1910 à 1933
Voir Jean Jolly, Dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (PUF), dont nous adaptons en partie la notice, publiée également sur le site de l'Assemblée Nationale.
 
Carte-postale de C.Verlot (avec la profession de foi électorale au dos de 1932), collection particulière.
Mandats parlementaires
24/04/1910 - 31/05/1914 : Vosges - Gauche radicale
26/04/1914 - 07/12/1919 : Vosges - Gauche radicale
16/11/1919 - 31/05/1924 : Vosges - Gauche républicaine démocratique
11/05/1924 - 31/05/1928 : Vosges - Gauche radicale
22/04/1928 - 31/05/1932 : Vosges - Gauche sociale et radicale
08/05/1932 - 15/04/1933 : Vosges - Indépendant, centre républicain
Le parcours politique de C.Verlot se fait au centre-gauche radical, sous l’égide de l’Alliance démocratique, dont les dénominations sont assez diverses de 1901 à 1933 mais rassemblent des républicains plutôt modérés. Candidat en 1910 du parti républicain démocratique dont le député sortant ne se représentait pas, il bat par 7.413 voix contre 5.980 le jeune mais déjà célèbre historien Louis Madelin -grand spécialiste de l’Empire - qui représentait la droite.

Louis Madelin vers 1927 (il devient académicien français)
C. Verlot, dont l'imposante carrure le distingue aisément sur les photographies d'époque, se présente comme républicain et laïque, soucieux de « faire respecter l'œuvre de Jules Ferry, partisan de la liberté de l'enseignement, mais de la liberté réglementée et contrôlée ». Il souhaite que l'enseignement post-scolaire et l'enseignement professionnel soient développés : ce sont là des idées plutôt neuves à cette époque, idées qu’il expose dans son Rapport sur les œuvres et l'enseignement post-scolaires, 23 pages présentées en 1911 au Congrès du Parti républicain démocratique. En effet, en 1910 est née la LIPSO (Ligue de l'Instruction Post-scolaire obligatoire), qui milite pour l'obligation de cet enseignement et une proposition de loi est déposée en ce sesn par Ferdinand Buisson en 1911.
voir sur les oeuvres scolaires le dictionnaire de F.Buisson
« Adversaire des réactionnaires et des révolutionnaires », il insiste déjà sur la nécessité de réformes sociales dans tous les secteurs : assistance aux catégories défavorisées, retraites ouvrières, sécurité du travail, assurances sociales. Partisan de l'impôt sur le revenu, il s'élève contre « l'inquisition fiscale » et se déclare en faveur « d'une politique d'économies et d'un contrôle sévère des dépenses par le Parlement ». Ce dernier thème est constamment repris dans ses professions de foi ultérieures (1924-1928). Enfin, il se déclare favorable au statut des fonctionnaires et à la réforme électorale en faveur d'un scrutin de liste avec représentation juste et équitable des minorités». Très actif dès son premier mandat, il rapporte sur la plupart des projets ou propositions concernant l'enseignement technique, communal, professionnel. Il vote la loi qui porte en 1913 le service militaire actif à trois ans.
Verlotl participe à la « Grande guerre » en tant qu'officier principal au service de santé, ayant rang de commandant ; il crée et dirige le centre de rééducation des blessés et mutilés de guerre de Troyes et Grignon. En 1917-1918, pendant le ministère de Clemenceau, il est attaché à la présidence du Conseil pour présider la commission interministérielle chargée de coordonner les efforts en vue de la reconstitution des régions dévastées. En 1918 il reçoit à ce titre la légion d’Honneur, ce qui lui vaut d’être le sujet d’un reportage photographique de l’Agence de presse Rol (conservé très heureusement par la BNF et visible sur Gallica.fr). Il exsite aussi des cartes-postale de ses visites des ruines de guerre dans les Vosges, en compagnie du préfet.

En automobile à Grignon en 1919, cliché Rol/BNF

Dans son bureau en 1919, cliché Rol/BNF

Carte-postale de la visite du député et du préfet sur les décombvres de Nompatelize (Vosges). C.Verlot est le premier debout à gauche, en habit militaire.
Elu en 1919 premier sur la liste « l'union républicaine démocratique (les élections ont lieu au scrutin de liste avec représentation des minorités), il s'oppose aux « révolutionnaires » et à "ceux qui veulent remettre en cause les conquêtes de la République laïque". Le programme de sa liste (2 élus contre 4 au bloc national et 1 aux socialistes) est malgré tout assez conforme à l’esprit « Bleu Horizon » de l’époque: « suppression des gaspillages, lutte contre les mercantis et la vague de paresse, etc...». Membre de diverses commissions dont celle des régions libérées, il rapporte à la Chambre sur de nombreux textes concernant les Ecoles d'arts et métiers, les écoles pratiques de commerce et d'industrie, s'intéresse aux problèmes ferroviaires, notamment dans l'Est ; il est l'auteur de différentes propositions notables : notamment celle tendant à créer des chambres de métiers et à les doter de ressources importantes pour contribuer à l'effort fait pour l'enseignement technique. Il aime inviter les personnalités politiques nationales dans sa circonscription (ainsi Millerand, le maréchal Foch, Paul Reynaud).

Visite de Foch (devant le momument de la guerre de 1870)
On le retrouve lui aussi invité un peu partout en France pour faire des conférences, notamment au service des œuvres laïques. Ou l’on constate par exemple que Constant Verlot était un amateur éclairé de la chanson française !
Journal de Vienne et de l’Isère, 3/3/1923
En 1924, au sein de la liste d'union républicaine, il se présente pour la première fois comme candidat « républicain de gauche » bien qu'il se réclame du programme national, laïque et social présenté par Raymond Poincaré, homme de l'Est patriote lui aussi, lors de son passage à Senones. En fait, cette tactique qui vise sans doute à limiter les effets de la campagne du Cartel des gauches, n'atteint pas son but dans les Vosges : le Bloc national remporte 5 sièges sur 7, le cartel un seul et Verlot est le seul élu de sa liste; les socialistes et les communistes ne sont pas représentés. Partisan de la stricte application du Traité de Versailles, il donne dans certaines propositions largement répandues dans la classe politique de l'époque : reconnaissance des droits des bouilleurs de cru, suppression de toutes les tracasseries et de toutes les inquisitions irritantes, des rouages administratifs inutiles, etc. Inscrit en 1924 au groupe de la « gauche radicale », il s'intéresse particulièrement aux villes encore sinistrées de sa région, Raon-l’Etape, Saint-Dié. Outre ses préoccupations traditionnelles, il intervient contre le rétablissement du scrutin uninominal à deux tours. Les élections de 1928 devant marquer un succès de la droite, avec le retour au scrutin d'arrondissement, C. Verlot présente un programme plus orienté sur les thèmes d'ordre, notamment dans le domaine financier et intérieur : soutien de l'expérience Poincaré, interdiction de la grève dans les services publics, lutte contre la propagande communiste, liberté de l'enseignement, etc... Il est réélu sans difficulté au premier tour.
La lassitude commence pourtant à le gagner au début des années 1930, alors qu'il est battu à la présidence du conseil général (en 1931 suite aux cantonales) par René Portetat. Un long article du Figaro du 22 décembre 1931 lui est d'ailleurs consacré:
"Il y a un député qui ne veut pas être réélu. Cet homme remarquable, M.Constant Verlot, représente Saint-Dié depuis vingt ans et pour six mois en core. Il devrait être parfaitement heureux, délivré du lourd et méprisable souci qui accable ses collègues, il devrait, pendant cette fin de législature, voter, le cœur léger, conformément à l'intérêt général. Mais jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse et c'est plein d'amertume et d'inquiétude pour la République, qu'il vient d'adresser à ses mandants la lettre que publie l'Ami du Peuple, par laquelle il annonce son intention de ne pas solliciter leurs suffrages".
Les motifs de C.Verlot sont liés aux évolutions de la vie politique de la période - c'est Pierre Laval, qu'il n'aime pas, qui est président du conseil - et à la "droitisation" de son discours, puisqu'il pourfend dans cette lettre les pratiques douteuses et les scandales du parlementarisme, "l'oligarchie syndicale des fonctionnaires" et d'une façon générale la veulerie des pouvoirs publics. Il se ravise pourtant. Candidat radical indépendant en 1932, il est assez difficilement réélu au deuxième tour contre un concurrent de même tendance. Quelques mois après, le 15 avril 1933, il meurt à l'âge de 57 ans, à Senones. C'est le radical Paul Elbel qui lui succède dans la circonscription de Saint-Dié.
C.Verlot a laissé dans la cité un souvenir durable, puisqu’il existe une rue à son nom et surtout un buste en bronze érigé en 1934 (ôté par les Allemands pendant l’Occupation) sur la place Charles Thumann (ou place du Château) à Senones. Après avoir été en partie détruite pendant la Seconde guerre mondiale, la ville a durement souffert dans les années 1970/80 de la crise de l’industrie vosgienne (papeterie, textile Boussac) et le nombre d’habitants s’est effondré – plus de 4000 à la fin des années 1960, 2800 aujourd’hui. Elle dispose toutefois de beaux atouts touristiques avec un patrimoine architectural très remarquable, notamment celui issu la principauté de Salm et qui a été reconstruit après les guerres (abbaye, églises, châteaux).
 
Buste de Constant Verlot. Jardins de l'abbaye.
En conclusion, voici la matière à une biographie politique à entreprendre ces prochaines années !
Note : les redacteurs de la fiche wikipédia de C.Verlot ont recopié certains passages de cette courte biographie (publiée une première fois en 2014 sur mon site) mais ils n'en précisent pas la source !
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Qu'est-ce que le « travail » ?
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- La classe des paysans, qui est la seule productive (producteurs terriens),
- la deuxième classe est appelée « stérile » et est composée des marchands et "industriels".
- la troisième classe est celle des propriétaires.

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LA COMMUNE DE PARIS

MAI 1981

10 MAI 1981. Il y a 40 ans...On pourra (re)lire le billet que je consacrai à l'événement pour le trentième anniversaire de l'élection (2011). J'ajouterai que dix ans après (en 2021), l'héritage politique - ou ce qu'il en reste - de Mitterrand a été dilapidé par François Hollande...en cinq ans de présidence "normale". Un "exploit" politique assez rare : le parti socialiste devenu groupusculaire et une gauche socialiste éloignée du pouvoir pour longtemps. Malgré ce bilan accablant, Hollande est content de lui et le clame haut et fort dans les médias en ce jour de commémoration (encore une!) du 10 mai. Dans un registre différent, l'inaltérable Jack Lang poursuit son entreprise hagiographique des années Mitterrand. |
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BICENTENAIRE DE LA MORT DE BONAPARTE : UNE NOUVELLE POLEMIQUE MEMORIELLE?
« À l'armée de terre,
« À bord de L'Orient, le 4 messidor an VI, « Soldats!
« Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. « Vous porterez à l'Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort.
« Nous ferons quelques marches fatigantes; nous livrerons plusieurs combats; nous réussirons dans toutes nos entreprises; les destins sont pour nous.
« Les Beys mamlouks, qui favorisent exclusivement le commerce anglais, qui ont couvert d'avanies nos négociants et tyrannisent les malheureux habitants du Nil, quelques jours après notre arrivée, n'existeront plus.
« Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans, leur premier article de foi est celui-ci: IL N'Y A PAS D'AUTRE DIEU QUE DIEU, ET MAHOMET EST SON PROPHÈTE. Ne les contredisez pas: agissez avec eux comme nous avons agi avec les Juifs, avec les Italiens; ayez des égards pour leurs muftis et leurs imams, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques. Ayez pour les cérémonies que prescrit l'ALCORAN, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvents, pour les synagogues, pour la religion de Moïse et de Jésus-Christ.
« Les légions romaines protégeaient toutes les religions. «Vous trouverez ici des usages différents de ceux de l'Europe; il faut vous y accoutumer.
«Les peuples chez lesquels nous allons traitent les femmes différemment que nous; mais, dans tous les pays, celui qui viole est un monstre.
«Le pillage n'enrichit qu'un petit nombre d'hommes; il nous déshonore; il détruit nos ressources; il nous rend ennemis les peuples, qu'il est de notre intérêt d'avoir pour amis.
« La première ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre. Nous trouverons à chaque pas de grands souvenirs dignes d'exciter l'émulation des Français. »

A-J Gros, Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa le 19 mars 1799 (1804), Musée du Louvre.
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SUR LE 1ER MAI LIRE MON BILLET DE 2020
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NECROLOGIE

MARC FERRO 1924-2021
LA MEMOIRE COLONIALE EN QUESTION (le rapport Stora)
La faute de la République et le débat colonial (fichier pdf.)

L’enjeu colonial en France de 1871 à 1962
Enjeu : « ce qu’on espère gagner, ce qu’on s’expose à perdre dans une entreprise »
©Bertrand Lemonnier |

Hommage à Daniel Cordier
Daniel Bouyjou-Cordier est né le 10 août 1920 à Bordeaux (Gironde) dans
une famille de négociants et il est mort le 20 novembre 2020 à
Cannes . Il a fait ses études dans plusieurs collèges catholiques
; jeune militant de l'Action française, il fonde à 17 ans à Bordeaux le
Cercle Charles Maurras.
CORDIER RESISTANT
Il n'a pas encore 20 ans et attend son incorporation prévue le 10
juillet, lorsque, près de Pau où réside sa famille, il entend l'annonce
de demande d'armistice faite à la radio par le maréchal Pétain le 17
juin 1940. Révolté par ce discours, il décide de continuer la
lutte, et rassemble 16 volontaires, avec lesquels il embarque le
21 juin depuis Bayonne sur un navire belge, le Leopold II,
pour l'Afrique du Nord. Dérouté vers l'Angleterre, il atteint Falmouth
le 25 juin. Daniel Cordier s'engage avec ses camarades dans la "Légion
de Gaulle" le 28 juin 1940. En transit pendant quelques jours à
l'Olympia Hall, il y est affecté au Bataillon de Chasseurs alors en
formation. Il arrive début juillet à Delville Camp, où il suit un
entraînement jusqu'à la fin du mois. Le Bataillon de Chasseurs est
ensuite installé à Camberley puis au camp d'Old Dean où Daniel Cordier
poursuit sa formation militaire.
Le Bataillon étant dissous, il est affecté à un peloton d'élève
officier. Promu aspirant en août 1941, alors que le départ prévu pour
le théâtre d'opérations africain ne se concrétise pas, il brûle de
passer à l'action et obtient d'être affecté, à l'été 1941, au service
"Action" du Bureau central de Renseignements et d'Action (BCRA),
c'est-à-dire les services secrets de la France libre à Londres. Pendant
un an, il suit un entraînement spécial dans les écoles de
l'Intelligence Service sur le sabotage, la radio, les atterrissages et
parachutages. Daniel Cordier, sous le nom de code de Bip W, est
parachuté en France près de Montluçon le 26 juillet 1942, comme radio
et secrétaire de Georges Bidault,
chef du Bureau d'Information et de Presse (BIP), agence de presse
clandestine. A Lyon, le 1er août, il rencontre pour la première fois
Rex, alias Jean Moulin, représentant du général de Gaulle et
délégué du Comité national français, qui l'engage pour organiser son
secrétariat à Lyon. Il met sur pied un état-major clandestin, sans
moyen ni personnel - surtout au début - avant d'être assisté par Laure Diebold, puis par Hugues Limonti notamment.
En mars 1943, Daniel Cordier organise et dirige à Paris,
selon les directives de Jean Moulin, son secrétariat de zone nord.
Après l'arrestation de ce dernier le 21 juin 1943 à Caluire, il
poursuit sa mission en zone nord comme secrétaire de la Délégation
générale en France auprès de Claude Bouchinet-Serreulles, successeur par intérim de Jean Moulin.
A son poste jusqu'au 21 mars 1944, pourchassé par la Gestapo, il
s'évade par les Pyrénées. Interné en Espagne, à Pampelune puis à
Miranda, il est de retour en Angleterre fin mai 1944 et est nommé chef
de la section des parachutages d'agents du BCRA.
Intégré à la Direction générale des Etudes et Recherches (DGER) en
octobre 1944, il dépouille, avec Vitia Hessel, les archives du BCRA
pour permettre la rédaction, dont se charge Stéphane Hessel, du Livre
blanc du BCRA.
CORDIER GALERISTE
Chef de cabinet du colonel Passy,
directeur de la DGER, il démissionne après le départ du général de
Gaulle en janvier 1946. Après la guerre, Daniel Cordier désire
consacrer sa vie à la peinture et commence une collection d'art
contemporain. En 1956, il ouvre une galerie d'art à Paris et à New
York jusqu'en 1964. En 1979, il est nommé membre de la commission
d'achat du Centre Georges Pompidou auquel, en 1989, il fait don de sa
collection dont une partie se trouve au Musée d'Art Moderne de
Toulouse, "Les Abattoirs".
CORDIER HISTORIEN
Depuis le début des années 1980, Daniel Cordier s'est fait historien
pour défendre la mémoire de Jean Moulin ; abandonnant ses activités
artistiques, il se consacre à des recherches historiques sur Jean
Moulin (dont une colossale biographie en six tomes)
. • Jean Moulin et le Conseil national de la Résistance, éditions du CNRS, Paris 1983
• Jean moulin, l'inconnu du Panthéon, JC Lattès
• T. 1 Une ambition pour la République 1899-1936, Paris 1989.
• T. 2 Le choix d'un destin 1936-1940, Paris 1989
• T. 3 De Gaulle capitale de la Résistance 1940-1942, Paris 1993
• T. 4 Mission Rex 1942, (non paru)
• T. 5 La résistance des comités 1942-1943, (non paru)
• T. 6 Monsieur X, l'homme à abattre 1943, (non paru)
• Jean Moulin, la République des catacombes, Gallimard, Paris 1999
AUTRES PUBLICATIONS :
• Alias Caracalla, Gallimard, Paris 2009
• De l'Histoire à l'histoire, Gallimard, Paris 2013
• Les Feux de Saint-Elme, Gallimard 2015
Source principale : Ordre de la Libération
Note annexe concernant les publications sur la résistance
De plus en plus, les historiens – surtout une vingtaine d'années –
cherchent à se détacher des enjeux de mémoire et surtout à se
détacher des mythes résistantialistes, aussi bien des mythes
communistes (la chute du communisme mondial depuis 1990 y a contribué)
des mythes gaullistes de la période (Vichy ce n’était pas la France,
puisque la France était à Londres).
Mais chose remarquable, cette attitude vaut aussi pour des acteur-témoins-historiens, tels Daniel Cordier à propos de Jean Moulin
et aussi de son propre engagement dans la résistance. Daniel
Cordier ne devient historien qu'à 60 ans - sans en avoir la formation
académique - et il ne publie son autobiographie résistante Alias Caracalla (son nom de résistance) qu’en 2009, à l’âge de 89 ans !
Son mot d’ordre à la publication de la monumentale biographie de Jean
Moulin, qui fait référence, y compris dans la communauté universitaire
: « Tout ce que j’ai trouvé, je le publie, n’ayant rien ni personne à ménager ». De fait, Cordier évitera le plus possible de travailler avec des "témoignages", mais plutôt avec des archives.
Il sait aussi que sa propre mémoire est faillible, tout comme la
mémoire résistante en général (on pense aux époux Aubrac), ce qui ne
sert pas toujours la recherche de la vérité.
« La
confrontation de ces sources à usage strictement interne, qui n’étaient
pas destinées à être conservées et encore moins à être lues par
d’autres que leurs destinataires -, avec les propos des témoins, même
les plus honnêtes, et avec les écrits des « spécialistes» est parfois
douloureuse, toujours édifiante. (…) «À diverses occasions,
j’avais pu faire moi-même l’expérience du peu de valeur historique des
témoignages. [ ... ] La confrontation de ces récits avec les documents
était révélatrice des mirages du souvenir. [ ... ] Ce procédé facilite
évidemment les manipulations rétrospectives, mais prépare de grandes
surprises et de rudes déceptions aux historiens quand viennent au jour
les documents d’ époque » écrit-il encore.
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Tout
comme de Gaulle et quelques autres, Daniel Cordier a "désobéi" en 1940.
Il n'a pas voulu obéir à un régime de compromission et de lâcheté, qu'a
pourtant suivi une partie de ses amis politiques (la "divine surprise"
du maréchal selon Maurras). C'est bien la question de la
"désobéissance" qui est ici posée et cela reste une question historique majeure,
en particulier dans les périodes de guerre et de crise, ou lorsque des
systèmes totalitaires, autoritaires ou pseudo-démocratiques imposent
leurs vues aux populations civiles. On relira avec intérêt les propos
de l'historien américain Howard Zinn, tenus certes en 1970 dans le
contexte de la guerre du Vietnam mais qui ont une valeur universelle...
et tout à fait actuelle.
"Le
sujet de réflexion, la désobéissance civile, est pris à l’envers. Dès
qu’on parle de désobéissance civile, on se dit que le problème, c’est
la désobéissance civile. Ce n’est pas cela, notre problème… le
problème, c’est l’obéissance civile. Notre problème, c’est le nombre
incalculable de gens qui ont obéi aux diktats de leurs dirigeants et
qui sont partis en guerre partout dans le monde entier, et que cette
obéissance s’est traduite par des millions de morts. Notre problème,
c’est cette scène du film “A l’Ouest rien de nouveau”, où on voit des
écoliers défiler consciencieusement pour aller faire la guerre. Notre
problème, c’est que les gens sont soumis, partout dans le monde, face à
la pauvreté, à la famine, à la bêtise, à la guerre et à la cruauté.
Notre problème, c’est que les gens obéissent et que les prisons sont
pleines de petits délinquants, tandis que les grands truands gèrent le
pays".
Howard Zinn (Université John Hopkins, 1970) et aussi Désobéissance civile et démocratie, Agone, coll. « éléments », 2010. |
NOUS SOMMES PROFESSEURS D'HISTOIRE-GEOGRAPHIE !
(tribune de l'APHG à propos de l'assassinat de Samuel Paty)

Dominique Kalifa, Historien (1957-2020)
Dominique
fut mon condisciple de khâgne (et souvent assis côte à côte, notamment
en cours de philo et d'histoire, où nous étions très complices...mais
il était bien plus sérieux que je l'étais alors!). Il aimait Frank
Zappa...et moi les Beatles, mais cela ne nous empêchait pas de discuter
passionnément rock et cinéma. Nous avons d'ailleurs soutenu nos thèses
la même année 1994 (mais Dominique avait abandonné Zappa pour les
crimes de la Belle Epoque). En tant qu'historien (engagé, certes, mais
jamais sectaire), il laisse une véritable œuvre, originale et
innovante, ce qui n'est pas si fréquent, sous le signe de Michelle
Perrot et d'Alain Corbin. On retiendra parmi une très abondante et riche production : L'Encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1995, Biribi. Les bagnes coloniaux de l'armée française, Paris, Perrin, 2009, Les Bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Le Seuil, « L’Univers historique », 2013.
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Une "volonté
forte de retrouver dès que possible les 1er mai
joyeux, chamailleurs parfois". E.M.
1er mai, de Fourmies (1891) à Bastia (2020)


LES GRANDE
EPIDEMIES AU 20ème SIECLE. GRIPPE ESPAGNOLE ET DE HONG-KONG

LE BREXIT

LE
BREXIT : UNE HISTOIRE DU SENTIMENT EUROPEEN AU ROYAUME-UNI
Le 4 septembre, c'était
quoi ?
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GALERIE DE
PORTRAITS ET DE CITATIONS

"Il
existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il
représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque
chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche
ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange
de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît
une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique
catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les
précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts
et rassembler ce qui a été démembré [das Zerschlagene zusammenfügen].
Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si
violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le
pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis
que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette
tempête est ce que nous appelons le progrès." W.Benjamin, Sur le concept d'Histoire |
"Ceux qui contrôlent le présent
contrôlent le passé" G.Orwell, 1984
"Toute histoire qui n'est pas
contemporaine est suspecte." Pascal, Pensées.

"Quand le passé n'éclaire plus
l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres"
Alexis de Tocqueville

"Aucun regret pour
le passé
Aucun remords pour
le présent
Une confiance
inébranlable pour l'avenir"
Jean Jaurès
"L'histoire est d'un genre
entièrement différent de toutes les autres connaissances"
Saint-Simon
"Ce qui fait le lien entre les
hommes, c'est l'Histoire."
Régis Debray

"L'Histoire, c'est l'art de se souvenir de ce dont les hommes et les femmes sont capables". Hannah Arendt |
"En
étudiant les livres, on peut tirer de la science du passé des
inductions que l'avenir déjoue, et que le présent ne peut pas toujours
justifier". George Sand |

"L’idée
que les femmes ont été passives et ne se sont réveillées qu’au XXe
siècle est fausse ! Les femmes sont les grandes oubliées de l’Histoire,
parce que celle-ci a été rédigée par les hommes". Michelle Perrot |
L'histoire
de la race humaine a été une suite de guerres, de massacres, de
pillages, de divisions interminables, d'oppositions mutuelles à un état
de paix et de bonheur, une longue période dans laquelle chacun a été en
lutte avec tous et tous avec chacun, principe de conduite admirablement
calculé pour enfanter le moins de prospérité et le plus de misère
possible . " Robert Owen |

"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé,
que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne.
Le monde qui fait le malin".
Charles Péguy

"L'Histoire enseigne mais personne n'écoute"
Antonio Gramsci
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