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PAUL KANTNER ET LES ANNEES LSD

La mort fin janvier 2016 de Paul Kantner et de Signe Toly Anderson, deux chanteurs/fondateurs du groupe Jefferson Airplane, nous amène à rappeler ce qui furent « les années LSD » de la fin des années 60, à la grande époque de cette formation californienne (1965-1973).

Paul Kantner est celui - en bas au centre - qui a des lunettes, à côté de Grace Slick qui a remplacé Signe Toly Anderson

Grace Slick (vocals), Marty Balin (guitar,vocals), Paul Kantner (vocals and guitar), Jorma Kaukonen (guitar), Jack Casady (bass), and Spencer Dryden (drums) composent le Jefferson Airplane. L'un des groupes rock les plus engagés et aussi l'un des plus...psychédéliques.

En 1967, la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds est interdite d'antenne à la BBC. Motif invoqué par les censeurs : le titre de la chanson  forme un acronyme de L.S.D, nom communément attribué à une drogue hallucinogène qui vient des Etats-Unis.  Une autre chanson, A Day in A Life, est également frappé d'interdiction, cette fois en raison d'allusions à la consommation de marijuana (had a smoke). La célébrité mondiale du groupe britannique pose un problème de conscience aux médias chargés de la programmation musicale : si les "gentils" Beatles parlent de drogue - même à mots couverts - , quels sont les risques d'une banalisation et d'une massification de pratiques jusque là assez marginales ?
Dans Lucy In the Sky with Diamonds, les "yeux kaléidoscopiques", les "fleurs  en cellophane, jaunes et vertes [qui] poussent incroyablement haut" sont des images qui traduisent bien les sensations éprouvées par les consommateurs de LSD. En fait certains membres des Beatles ont été initiés à cette drogue dès le mois d'août 1965 en Californie par l'acteur américain Peter Fonda ; sa prise - associée à la marijuana, expérimentée un an plus tôt à New-York en compagnie du chanteur/poète Bob Dylan - n'est pas étrangère au climat très particulier des disques parus en 1966 et 1967 et considérés comme les chefs d'œuvre du groupe. N'est-ce pas John Lennon qui chante en 1966 dans Tomorrow Never Knows : "débranche ton esprit, relaxe-toi, laisse-toi aller dans le sens du courant"? Les Beatles reconnaissent d'ailleurs en 1967 avoir consommé des drogues, sans vraiment en concevoir de honte : en pleine explosion du psychédélisme et de la drug culture, le LSD est devenu LA drogue à la mode ; il est de bon ton, surtout dans le monde du show-business, de ressembler aux individus que la presse appelle désormais les hippies. Et parmi ces groupes hippies qui émergent lors de « l’Eté de l’Amour » (1967) figurent justement le Jefferson Airplane, groupe de San Francisco fondé en août 1965. "Jefferson Airplane" serait un hommage au bluesman aveugle Blind Lemon Jefferson (1893-1920), mais la légende dit qu'il existe aussi dans ce nom une allusion argotique à la drogue ("slang for a used match bent to hold a marijuana cigarette that has been smoked too short to hold without burning the hands").

L'histoire du LSD est singulière, dans la mesure où rien ne prédestinait cette substance chimique à devenir l'un des symboles de la contre-culture hippie des années 1960. En effet, c'est en 1938 que le chimiste Albert Hofmann fabrique pour la firme suisse Sandoz une substance semi-synthétique, dérivée d'un alcaloïde présent dans l'ergot de seigle, l'acide lysergique diéthylamide (appelé aussi l'acide) ou LSD 25 ; il l'expérimente accidentellement, puis intentionnellement en 1943, décrivant alors une altération très particulière des perceptions et des sensations et une ivresse si puissante qu'il crut ne pas survivre à l'un de ses essais. Dans les années 1940, le produit est utilisé par les services secrets américains comme sérum de vérité, mais on s'aperçoit bien vite qu'il est plus utile pour brouiller la vérité que pour la découvrir ! Le LSD fascine aussi les militaires de l'US Army Chemical Corps, qui travaillent sur des armes psycho-chimiques capables d'anéantir l'adversaire communiste - l'URSS fait d'ailleurs le même type de recherches. De plus, les médecins l'expérimentent sur de nombreux volontaires et sur des malades mentaux, tandis que Sandoz commercialise le produit à la fin des années 1940 sous le nom de Delysid pour un usage psychiatrique. N'étant guère adapté à la guerre chimique, le LSD aurait pu poursuivre une (paisible?) carrière pharmacologique sans l'action conjuguée de plusieurs intellectuels qui ont placé les drogues au centre de leurs préoccupations : l'écrivain britannique Aldous Huxley, le chercheur en psychologie Timothy Leary et le poète beatnik Allen Ginsberg. Sans eux, les années 1960 auraient sans doute eu un tout autre visage.


C'est en 1954 que Huxley publie The Doors of Perception (Les Portes de la Perception) puis en 1956 Heaven and Hell (le Ciel et l'enfer), récits inspirés de ses expériences liées à la prise de drogues, notamment de mescaline, un dérivé du peyotl, champignon hallucinogène répandu en Amérique du Sud. Quelques années plus tard, reclus en Californie, l'auteur du Meilleur des Mondes décrit dans Island (1962) une curieuse utopie communautaire qui ressemble à s'y méprendre à la future société hippie : démocratie participative, équilibre sexuel, méditation bouddhiste, utilisations de drogues à doses toutefois raisonnables. En 1965, un certain Jim Morrison choisit d'appeler son groupe The Doors, référence à Huxley et à W.Blake (« If the doors of perception were cleansed, every thing would appear to man as it is: infinite »). Le parcours de Timothy Leary est plus chaotique et mouvementé. Issu d'un milieu petit-bourgeois, catholique de souche irlandaise, Leary est un jeune psychologue, en poste à Harvard depuis 1959. Il découvre les champignons hallucinogènes - son "Niagara sensoriel" -  en 1960 lors d'un voyage au Mexique,  fonde un centre de recherche et initie ses étudiants au LSD 25, ce qui lui vaut en 1963 d'être radié de son université. Devenu le gourou de la "révolution psychédélique", T.Leary ouvre dans l'Etat de New York la Castalia Fondation, avec le soutien financier de son ami de Harvard W.Hitchcock Mellon, un richissime héritier, et l'appui de quelques intellectuels, tels R.D.Laing, le fondateur de l'anti-psychiatrie et Allen Ginsberg, le poète beatnik dont le long poème Howl a déchaîné contre lui en 1957 la censure puritaine américaine.

Dylan et Ginsberg en 1965 à San Francisco, en grande conversation.

Allen Ginsberg, juif, homosexuel, fils d'un poète et d'une militante communiste qui meurt en hôpital psychiatrique, fait depuis les années 1940 l'apologie des drogues (amphétamines, morphine, héroïne) en compagnie de William Burroughs,  dans une perspective rimbaldienne de dérèglement des sens et d'autodestruction ; il est logiquement l'un des tout premiers beatniks à avoir été initié au LSD, en juin 1959 avec une équipe de recherche de Stanford, après quoi il écrit le poèmes Lysergic acid et fait la rencontre de Timothy Leary à Harvard. A partir de 1963, l'hédonisme beatnik prend une nouvelle dimension dans une frange marginale de la jeunesse de New York et de San Francisco: un certain nombre de beatniks, comme Allen Ginsberg,  radicalisent leur message politique et alimentent la contestation étudiante contre la guerre du Vietnam (le Free Speech Movement), notamment aux côtés des Students for a Democratic Society, le principal mouvement gauchiste américain, né en 1960; d'autres contribuent à forger sur les routes américaines le mythe hippie. Ainsi Neal Cassady - l'ancien compagnon de route de Jack Kerouac - rejoint-il en juin 1964 les Merry Pranksters de Ken Kesey, une bande de protohippies qui conduisent un bus coloré et qui portent la bonne parole psychédélique d'une côte à l'autre. En 1965, la maison de Ken Kesey, près de San José, est le centre névralgique des acid tests, séances collectives de "libération mentale" et de connaissance de soi. A la même époque, le quartier de Haight Ashbury à San Francisco, près du quartier noir de Fillmore,  devient le lieu de rassemblement des premiers authentiques hippies ; ceux-ci mènent une vie communautaire dans des squats sordides, faite de liberté sexuelle, de méditation de type bouddhiste, de consommation de nourriture macrobiotique et de drogues en tous genres.
La philosophie hippie est résumée en trois mots par Timothy Leary: turn on =établir le contact, s'ouvrir, tune in = s'accorder, être sur la même longueur d'ondes, drop out, décrocher, s'évader ou plutôt se "défoncer". Un véritable ghetto hippie s'organise à San Francisco : il a bientôt ses acid heads, ses réunions - la célèbre Halloween Acid Party, organisée en octobre 1965 par Ken Kesey, le Human Be-In du Golden Gate Park  en janvier 1967 - sa presse, son système de prestations sociales, ses boutiques pour touristes (comme la Psychedelic Shop qui fait vivre la communauté en vendant des colliers, des posters, des tissus indiens, des ponchos mexicains et autres "souvenirs"), ses boîtes de nuit, ses galeries d'art, son jargon, son style vestimentaire, ses idoles (Ginsberg, Leary et…Bouddha), ses groupes musicaux, tels Thirteenth Floor Elevator, les Fugs, Love, Quicksilver Messenger Service et surtout le Jefferson Airplane et le Grateful Dead, défenseurs et pratiquants d’une libre consommation des hallucinogènes. Les caractéristiques de la musique composée - et généralement jouée sous dépendance toxique - sont très particulières. Le rock psychédélique ou acid rock est composé de longues plages musicales improvisées, où les collages, les sons stridents, les guitares électriques saturées sont inséparables de multiples jeux de lumière rappelant les formes et les couleurs d'un voyage sous acide. Les influences musicales orientales sont plus nettes à partir de 1966, où l'intérêt pour les philosophies et les modes de vie indiens permet l'utilisation d'instruments traditionnels comme le sitar. Le psychédélisme US demeure toutefois très éclectique sur le plan musical : le Jefferson Airplane comme le Dead se nourrissent aux sources du blues, du folk et de la country music.

The Grateful Dead à ses débuts, very hipster !

Pour assurer le suivi médical des drogués et lutter également contre les maladies vénériennes et les hépatites (qui prolifèrent notamment en raison de l'absence totale d'hygiène), il s'ouvre à San Fransciso une free clinic, où des médecins sympathisants donnent des consultations. Les  longs effets du LSD - jusqu'à neuf heures de délires visuels et sensoriels - posent des problèmes spécifiques, d'autant que cette drogue est bon marché (deux dollars la dose) et que son usage d'une déconcertante facilité. L'acide est à l'état pur une poudre cristallisée blanche, inodore et soluble dans l'eau ; il peut s'absorber en pilules ou en doses liquides sur des cubes de sucre ou sur du papier buvard que l'on laisse désimbiber sur la langue. Mais il n'est pas rare de consommer à son insu du LSD dans une soirée ou lors d'un repas, et même en collant un timbre-poste! Si l'on ne risque pas d'overdose mortelle ni de réaction de sevrage après l'interruption brutale de la consommation - comme pour l'héroïne ou la cocaïne -, le LSD est pourtant la drogue la plus puissante de la catégorie des hallucinogènes, bien plus active par exemple que la mescaline. Même à des doses infimes (cent microgrammes), il provoque d'importantes altérations de la perception ; les cas de folie ne sont pas rares après un trip trop long et trop intense.

En 1966, le psychédélisme sort de son ghetto californien et devient un mouvement transatlantique d'avant-garde, avant la massification et la médiatisation de l'année 1967. Il touche d'abord les milieux de la bohème artistique new-yorkaise, qui avaient jusque-là privilégié le jazz et le folk. Dans la Factory - lieu interlope de création artistique et de consommation de drogues - l'artiste Pop Art Andy Warhol invite le groupe Velvet Underground (John Cale, Lou Reed notamment) à assurer les parties musicales de son spectacle psychédélique combinant light shows, diaporamas et films expérimentaux, l'Exploding Plastic Inevitable. Londres - capitale de la mode pop depuis 1964 - devient en 1966/67 le centre d'une avant-garde psychédélique européenne :  le club UFO, fréquenté par le gotha de la pop musique, du cinéma et de la télévision, fait connaître de nouveaux groupes psychédéliques comme Pink Floyd et Soft Machine ;  les journaux de l'underground londonien, comme l'International Times ou OZ militent activement pour la liberté sexuelle et la légalisation des drogues.

Andy et le Velvet (avec Nico à gauche), 1967, un vrai look arty!

(voir la récente exposition sur le Velvet à la Philarmonie de Paris)

L'année 1967 se caractérise par l'amplification du mouvement psychédélique à l'échelle mondiale. Les groupes signent des contrats avec les grandes maisons de disques, ainsi Quicksilver chez Capitol. Les médias couvrent d'abord avec une certaine curiosité le tout premier "festival international de Pop Musique" à Monterey (Californie) en juin 1967, sous la bannière Music, Love and Flowers; couvert par 1100 journalistes ; il rassemble 200 000 hippies et révèle au grand public de très nombreux artistes britanniques et américains, comme Jimi Hendrix, Otis Redding, l'Airplane et le Dead, les Byrds, les Who, Janis Joplin, ainsi que l'Indien Ravi Shankar. Au sommet du hit-parade (c'est le tube de l'année!), un inconnu nommé Scott McKenzie invite par une gentille chansonnette à se rendre à San Francisco, désormais la capitale mondiale des Flower People :

For those who come to San Francisco
Summertime will be a love-in there
In the streets of San Francisco
Gentle people with flowers in their hair

L'été 1967 - le Summer of Love (l'Eté de l'Amour) - représente des deux côtés de l'Atlantique l'apogée du mouvement psychédélique hippie ; il s'accompagne de grande campagnes de légalisation des drogues, sur fond de contestation de la guerre du Vietnam et d'émeutes raciales. En Angleterre, le vénérable Times de Londres accepte en juillet 1967 de publier une pétition réclamant la légalisation de la marijuana et la révision des lois anti-drogues de 1964 et 1965, signée par toute une série d'artistes et intellectuels, de médecins, de parlementaires de gauche. Le mot d'ordre des hippies est Peace and Love ; il s'agit désormais de "changer le monde" en "nettoyant son esprit", pour reprendre les paroles d'une célèbre chanson des Beatles, Revolution, diffusée en 1968 sur toutes les stations de radio.

You say you'll change the constitution
Well, you know
We all want to change your head
You tell me it's the institution
Well, you know
You better free you mind instead

Le Jefferson Airplane sort en 1969 (sur le label RCA!) le disque Volunteers, véritable brûlot contre la guerre du Vietnam et appel à l'insurrection. Plus radicaux encore,  les yippies de Jerry Rubin (l'auteur d'un brûlot intitulé Do It) et d'Abbie Hoffman se considèrent comme des "bolchéviks psyschédéliques" ; ils prônent la révolution par la drogue, le sexe et la musique :"ce qu'il faut, écrit Rubin, c'est une nouvelle génération de trouble-fête (…) des gens qui débauchent la jeunesse à l'aide de musique, d'herbe et de LSD". Dans le contexte du printemps 1968 et de ses suites, la libération du corps et celle de l'esprit ne sont plus incompatibles avec la libération politique et sociale.

Well, we are volunteers of America
Volunteers of America
I've got a revolution
Got a revolution


Et en France ? Le psychédélisme envahit-t-il aussi la France gaullienne prè-68, jusque-là en sensible décalage avec les événements culturels anglo-saxons ? C'est d'abord Le (crapoteux) Crapouillot qui lance une grande enquête sur le LSD dans un numéro spécial (!) de 1966, dans lequel François Mauriac, prononce une homélie anti-drogues : "Ô mes jeunes frères, croyez en le vieil homme (…) J’ai toujours refusé de toucher aux philtres qui nous livrent sans recours à la puissance des ténèbres. Il vous reste à vivre, d’assumer la vie. Il vous reste de savoir ce que vous êtes venus faire au monde et pourquoi vous avez ce cœur en vous qui s’attache et qui souffre. Il vous reste d’aider et de servir vos frères, d’abord les plus proches, ceux de France – la France !"

C'est à la même époque (novembre 1966) que naît la revue Rock & Folk, dont les lecteurs  sont nettement plus concernés que les lecteurs du Crapouillot  par ce qui se passe en Angleterre et aux Etats-Unis. Le jeune photographe et journaliste Alain Dister, parti en reportage sur la "route" américaine envoie au journal ses impressions sur le mouvement hippie, publiées en octobre 1967, tandis que des "nuits psychédéliques" sont organisées en novembre au Palais des Sports de Paris (on y voit l'artiste Jean-Jacques Lebel, le cinéaste Jean-Luc Godard et on peut écouter quelques groupes comme Soft Machine et le Spencer Davis Group). Sur les ondes de France-Inter, le Pop Club de José Artur est à peu près le seul espace médiatique public qui diffuse ce genre de musique.

Les événements de mai-68 n'ont pas du tout été vécus en France comme une révolution rock, mais ils ont pour effet de libérer la parole et les moeurs. En 1969, la comédie musicale Hair, oeuvre 100% hippie importée des Etats-Unis, présente des artistes quelque peu dénudés mais aux cheveux très longs - elle révèle le très sexy Julien Clerc - qui chantent de jolies comptines comme "Marijuana" ou "Sodomy". Au programme de Hair : libération sexuelle, consommation de drogue et antipatriotisme (la guerre du Vietnam en point de mire). La même année, le film très moralisateur de Barbet Schroeder More, sorte de drame romantique de la génération hippie, narre la découverte de la drogue par deux jeunes gens - un Allemand et une Française - à Ibiza. Le tableau de la toxicomanie est particulièrement sombre - le héros meurt d'une overdose - mais le public français en  retient surtout la musique psychédélique de Pink Floyd et accessoirement le bad trip.

More (1969) : une méditation qui tourne mal.

En face de la montée de la consommation des drogues, les pouvoirs publics renforcent la législation tout en cherchant à faire des exemples. Le LSD est interdit aux Etats-Unis pour un usage non médical en 1965, retiré du marché en 1966 et définitivement illégal à la fin de l'année 1967 - une première infraction est passible de 1000 dollars d'amende et six mois de prison. Après les beatniks - Ginsberg est poursuivi dès 1965 par la justice pour détention de marijuana, Kesey fuit à Mexico avec ses Pranksters - , les célèbres pop stars sont aussi inquiétées par la police et la justice (Mick Jagger et Keith Richards, des Rolling Stones, sont inculpés en Angleterre pour détention d'amphétamines et de cannabis, condamnés à la prison, puis relaxés en appel début juillet 1967). Les musiciens pop payent aussi un lourd tribut à leur mode de vie psychédélique, fait d'abus en tous genres : entre 1967 et 1971 disparaissent  un certain nombre de talentueuses personnalités, et notamment Janis Joplin, Brian Jones, Tim Buckley, Jimi Hendrix, Jim Morrison. Entre 1969, le film Easy Rider raconte l'errance tragique de deux marginaux, Billy et Wyatt, joués par Dennis Hopper et Peter Fonda. Dans un registre différent, le massacre la même année de Sharon Tate - compagne du cinéaste Roman Polanski - et de six autres personnes en Californie par les membres d'une secte dirigée par le gourou hippie Charles Manson permet à la presse de faire l'amalgame entre la consommation de drogues et la montée d'une violence gratuite et sanguinaire.
La répression policière et judiciaire s'accentue logiquement et la pratique du drug bust (descente de police à la recherche de drogue) se généralise en Californie en 1968, ce qui n'empêche nullement une massification de la consommation. La dissuasion par la répression n'a strictement aucun effet, d'autant que les autorités ferment les yeux sur une utilisation massive des drogues - surtout la marijuana - par les soldats envoyés au Vietnam. De même, les grands rassemblements pop de la fin des années 1960 (Woodstock et Altamont en 1969, l'Ile de Wight en 1969 et 1970...Wight is Wight chante Delpech) sont des manifestations de masse autorisées, où les drogues font partie intégrante de la fête collective. D'après les chiffres officiels, plus de trois millions de personnes ont assisté à un festival pop sur le sol américain de 1967 à 1970. Celui de Woodstock, à la mi-août 1969 attire à lui seul près d'un million de personnes, dont 500 000 spectateurs pour la seule programmation musicale ; le festival est à la fois un tremplin commercial pour les groupes en quête de reconnaissance, une tribune politique internationale contre la guerre du Vietnam et un gigantesque happening hippie, où la toxicomanie prend d'inquiétantes proportions (certains musiciens montent sur scène en état de totale dépendance, les overdoses et les malaises dans la foule se comptent par centaines). Le Jefferson Airplane y fait une prestation légendaire sous le soleil, en dépit de l’état quelque peu out de certains musiciens du groupe.


Au début des années 1970, le LSD devient donc une drogue hors-la-loi dans le monde entier, interdite par l'ONU dans sa convention sur les psychotropes. En France, la loi de décembre 1970 prend en compte la montée de la toxicomanie chez les jeunes, que l'on considère volontiers comme un aspect de la dissolution des mœurs depuis mai-68 ; cette loi incrimine, pour la première fois en France, l'usage simple de substances classées comme stupéfiants, sans distinction entre les drogues douces et dures, ni même entre l'usage en privé et en public, ou encore l'usage régulier et occasionnel. Les festivals pop sont étroitement surveillés ou alors interdits (Biot, Aix). Aux Etats-Unis, le pape de l'acide, Timothy Leary, doit fuir son pays, avant d'être arrêté en Afghanistan en 1973 par le DEA (Drug Enforcement Agency) et faire trois ans de prison en Californie. Quant au Jefferson Airplane, le groupe californien se sépare en 1973, ce qui marque - d’une certaine façon - la fin d’une époque, celle du développement incontrôlé des drogues psychédéliques.

En parallèle avec le vaisseau amiral de l'Airplane, Paul Kantner fonde en 1970 le Starship (qui devient en 1974 le Jefferson Starship) et il demeure plutôt fidèle à sa philosophie de vie des années 1960, même si sa musique devient de plus en plus commerciale dans les années 1980. Blows against the Empire (1970), produit avec Grace Slick, Jerry Garcia et David Crosby est un véritable opéra-rock ou plutôt un space opera, utopie d'un monde meilleur (hippie bien sûr) dans une autre galaxie, très éloignée de celle dominée par l'Empire de Richard Nixon ! Sunfighter (1971) est une sorte de manifeste écologiste avec une réflexion un peu mystique sur la race humaine. Passé la soixantaine, Paul Kantner décide de rendre à sa musique une nouvelle jeunesse, en chantant (jusqu'en 2014 mais il est vrai qu'il il n'a ni la voix ni le charisme de son ami David Crosby) les classiques que sont notamment The Ballad of You & Me & Poonei, Won’t You Try/Saturday AfternoonMarthaCrown of CreationWe Can Be Together,Volunteers, Twilight Double Leader, Have you seen the stars tonite etc.

Put your old ladies back into bed
Your old men back into their graves
Cover their ears so they can't hear us sing
Cover their eyes so that can't see us play
Get out of the way
Let the people play
We're gonna get down on you
Come alive all over you
Dancin' down into your town

(Mau Mau, Amerikon, Paul Kantner, 1970, premières paroles de Blows against the Empire)


                                                          

Paul Kantner on stage, photo de Robert Altman

 

En hommage à Alain Dister...

 

 

 

 

 

 

 

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