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Le site Berlemon à l'heure présidentielle (1)

C'est l'histoire d'un mec...il y a trente ans Coluche décédait dans un accident de moto.

Le 19 juin 1986, la « génération Mitterrand » pleure la mort accidentelle du comédien et humoriste Michel Colucci, dit Coluche, le fondateur des « Restos du cœur » ; le quotidien Libération y consacre le lendemain sa Une et un cahier spécial de 12 pages. Pourtant, le phénomène Coluche n’est nullement un produit des années 1980. Il constitue même l’un des succès médiatiques – et artistiques – les plus emblématiques des « années Giscard », à partir d’un mélange détonant qui mêle la provocation post-soixante-huitarde, l’analyse sociologique de la France giscardienne et l’utilisation moderne des mass médias.


Né en 1944 d’une famille modeste issue de l’immigration italienne, l’itinéraire de Coluche se confond avec celui d’une jeunesse de banlieue (Montrouge) sans diplôme, peu motivée par le travail en usine, qui trouve dans le rock puis dans la variété un espoir de promotion sociale. Après avoir chanté Bruant ou Brassens aux terrasses des cafés ou dans de petits cabarets parisiens, il fait  partie de la troupe du Café de la Gare, fondée par Romain Bouteille en 1970, dont la devise est « C’est moche, c’est sale, c’est dans le vent ». On y croise notamment Miou-Miou, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, trois comédiens qui débutent au cinéma en 1974 dans le film controversé de Bertrand Blier, Les Valseuses. Le succès d’un café-théâtre burlesque et provocateur se prolonge d’ailleurs jusqu’à la fin des années 1970 au Splendid, véritable pépinière de comédiens talentueux (Michel Blanc, Gérard Jugnot, Josiane Balasko, Thierry Lhermitte, Christian Clavier), qui triomphent dans la pièce Amours, coquillages et crustacés puis dans le film Les Bronzés de Patrice Leconte (1979). Profitant de cette vogue, Coluche multiplie les apparitions sur scène, à la télévision (dans des spots publicitaires) et au cinéma (dans de petits rôles), ainsi que des participations aux journaux de la contre-culture (Hara-Kiri). Il  monte en 1974 son premier one-man-show, « Mes adieux au music-hall », créant le personnage d’un clown rondouillard au nez rouge, vêtu d’une salopette trop large, jouant de sa gouaille populaire.


Devenu tête d’affiche à l’Olympia ou à Bobino, Coluche s’affirme comme une vedette de la culture de masse, invitée dans la plupart des émissions familiales de variétés télévisées, tels les Numéro 1 de Maritie et Gilbert Carpentier. Ces émissions, plébiscitées par un très large public, donnent alors la part belle aux comiques (Guy Bedos, Raymond Devos) et aux imitateurs (Thierry Le Luron, très ami avec Coluche), ainsi qu’aux vedettes populaires (Claude François, Dalida, Johnny Hallyday, Joe Dassin). Le Schmilblick (1975), savoureuse parodie du jeu télévisé de Guy Lux sur la Première chaîne, fait connaître Coluche dans la France entière, avec des personnages tout droit sortis d’un film de Jacques Tati, comme « Papy Mougeot » ou « Monsieur Moulinot, Marchand d'articles de pêche sur la place du Marché à Cajarc». C’est cette même année qu’est lancée sur la première chaîne - devenue TF1 depuis la  loi du 8 juillet 1974 et l’éclatement de l’ORTF - une émission satirique, Le Petit Rapporteur, dont la seule diffusion témoigne de la nouvelle atmosphère qui règne dans l’audiovisuel public. Désormais équipés en postes de télévision (70% des ménages en 1970, 90% en 1980), les Français plébiscitent cette émission du dimanche midi qui réunit autour de Jacques Martin, Stéphane Collaro, Pierre Bonte, Pierre Desproges, Daniel Prévost et le dessinateur Piem ; sur l’autre grande chaîne du service public, Antenne 2, Philippe Bouvard modernise le genre de l’interview TV, en y introduisant humour et causticité ; c’est aussi le temps des divertissements culturels, susceptibles de capter les téléspectateurs aux heures de très grande écoute, tels Apostrophes de Bernard Pivot (à 20h 30!), Les Dossiers de l’Ecran d’Alain Jérôme, Le Grand Echiquier de Jacques Chancel.


Après la scène et la télévision, Coluche se lance dans l’expérience de la radio. Il est embauché au printemps 1978 par Europe No1 pour animer la tranche de l’après-midi, celle des ménagères et des retraités, face aux Grosses Têtes du concurrent RTL. Au micro, Coluche renouvelle à sa manière le langage radiophonique. Il multiplie en effet les improvisations, les bons et les gros mots, les calembours, tour à tour dans l’esprit de Rabelais, de Pierre Dac et Francis Blanche ou de Michel Audiard ; son humour – libérateur pour les uns, vulgaire pour les autres - est tout à la fois un héritage du café-théâtre et du gauchisme anarchisant de Charlie Hebdo (Cavanna, les dessinateurs Gébé, Cabu et Reiser). Un liberté de ton qui se diffuse: en 1980,  France-Inter produit notamment l’iconoclaste Tribunal des Flagrants Délires, avec Claude Villers, Pierre Desproges et Luis Rego, tandis que les radios dites « libres » - c'est-à-dire encore illégales,  comme Carbone 14 – tentent de donner un coup de jeune à un média plus que cinquantenaire.

L’ironie mordante de Coluche s’attaque en fait à toutes les formes de « sérieux », qui semblent relever du conformisme bourgeois ou petit-bourgeois de la « France de Giscard ». Il s’agit de lutter contre l’hypocrisie d’une société qui revendique sa « tolérance » et sa volonté de briser les tabous, mais qui demeure au fond incapable d’assumer certaines évolutions des mœurs. Durant l’été 1974, quelques semaines après l’élection présidentielle, déferle une « vague érotique », que symbolise le succès inattendu du film Emmanuelle. A Lille, le Gaumont-Familia programme en 1975 pendant trois mois Les Jouisseuses, ce qui retarde d’autant la sortie de films grand public comme La Gifle de Claude Pinoteau ou  Vincent, François, Paul et les autres, de Claude Sautet. Pour contenir cette vague et « protéger la jeunesse », un décret du 31 octobre 1975 surtaxe la production des films pornographiques (classés « X » et interdits au moins de 18 ans) et les relègue dans des circuits spécialisés (168 salles en France en 1980). A la télévision, l’érotisme est purement et simplement banni, tandis qu’un contrôle très strict s’exerce sur la diffusion publicitaire par l’intermédiaire de la Régie Française de Publicité ; d’un autre côté, les services publics (RATP, SNCF) refusent l’affichage dans les gares et les couloirs de publicités trop suggestives. Le résultat de cette politique est une marginalisation du cinéma érotique, presque condamné à produire en grande quantité – 40% de la production française en 1981 – des films bâclés et fauchés. Certains réalisateurs du « X », tel  Max Pécas, se reconvertissent dans le « nanard » comique, genre dans lequel on peut ranger les films burlesques des Charlots, la série des Gendarmes avec Louis de Funès, les films de Robert Lamoureux et sa Septième Compagnie. De même, les homosexuels sont caricaturés de manière outrancière dans La Cage aux Folles (1978), film tiré d’une pièce de boulevard à succès jouée par Jean Poiret et Michel Serraut.

Placé au coeur du système  médiatique, Coluche se moque sans ménagement de la télévision, de la publicité, du sport, du star-system, tout en donnant son sentiment en direct sur des sujets d’actualité. A la mort de Jean-Paul 1er, aux auditeurs qui se plaignent de remarques iconoclastes, il répond sur un ton goguenard, désamorçant les critiques : « C'est les catholiques qui téléphonent ? Hé! oui, mesdames, messieurs, c'est pas drôle! C'est bien pour ça qu'on se dépêche d'en rire! ». Le principal ressort du comique coluchien repose sur une critique décalée de la culture de masse : « La question qu'on se pose c'est : Pourquoi les gens ils sont devenus cons ? Eh ben, c'est parce qu'on les abrutis avec la télé, les journaux, la publicité! ». Le vedettariat des nouveaux présentateurs de la messe du « 20 heures », Yves Mourousi, Roger Gicquel ou Patrick Poivre d’Arvor est l’une de ses cibles favorites : « Bonjour Brushing ! Enchanté ! Moi c'est Brushing ! ». Pourtant, la « bof génération », idéologiquement démobilisée selon Le Nouvel Observateur et croquée par Frédéric Jannin dans le journal Spirou (« Germain et Nous »), est épargnée: « Les jeunes, je comprends pas », s’étonne Coluche avec sa fausse candeur dans Tel Père, tel Fils (1975), « vous lisez pas les journaux, vous regardez pas la télé, vous faites pas de sport, vous vous intéressez pas au football ». Il est vrai que les ces mêmes jeunes – des « biknites » (!) aux cheveux longs - passent les journées  « à écouter Mick Jéguère (!) et les Bitelles (!) » et à « fumer du hackique (!)».


Dans le même registre, Coluche s’attaque au sport-spectacle, dénonce le chauvinisme, qui se développe à la faveur des grandes manifestations de masse médiatisées (Coupe du Monde de football, Jeux Olympiques) ; il se gausse de la  propension très française à perdre les grandes compétitions : « Bon évidemment, les sportifs aussi ils écoutent les hymnes nationaux au garde à vous. Mais seulement quand ils gagnent. Ce qui fait que pour les Français on est peinards! On est beaucoup moins cons que les autres! ».  De fait, la France de Giscard - tout comme la France gaullienne des années 1960 -  est à la recherche de ses dieux du stade. D’où la médiatisation exceptionnelle de l’épopée des « Verts », l’équipe de football de Saint-Etienne, entre 1974 et 1977. Lors de la finale de la coupe d’Europe des clubs champions, perdue le 12 mai 1976 à Glasgow contre le Bayern Munich, la France entière connaît par cœur la composition de l’équipe verte - les Santini, Lopez, Janvion, Rocheteau, Piazza, Curcovick etc. –, tous ces perdants magnifiques qui défilent triomphalement sur les Champs-Elysées au lendemain de la déroute ! Les exploits des « Verts » s’inscrivent  plus largement dans une tendance à la survalorisation des performances nationales, si rares et donc toujours splendides : c’est le Grand Chelem 1977 de l’équipe de rugby menée par le flamboyant Jean-Pierre Rives et la victoire « historique » du 14 juillet 1979 à Auckland, en terre néo-zélandaise, contés par un Roger Couderc au bord des larmes ; c’est l’exploit d’Eric Tabarly le ténébreux dans la Transat en solitaire (juin 1976) ; c’est la médaille d’or française des Jeux Olympiques de Montréal (1976), décrochée par l’athlète Guy Drut au 110 mètres haies ; ce sont aussi les victoires de Bernard Thévenet,  puis de Bernard Hinault dans le Tour de France, jusqu’alors outrageusement dominé par le cycliste belge Eddy Merckx.


           

Mais la force de la satire réside aussi dans l’analyse à grands traits d’une société française, certes ébranlée par mai-68,  mais qui n’en reste pas moins conformiste et petite-bourgeoise. Plusieurs sketches de Coluche sont une vraie peinture sociale de la France des années 1970, qui s’enfonce doucement dans la déprime. On y trouve pêle-mêle le policier, le clochard, la prostituée, l’alcoolique, l’étudiant, le syndicaliste, le militaire, le blouson noir, le raciste. Le réalisme avec lequel l’humoriste croque les Français des années de crise se retrouve aussi dans tout un courant de la chanson populaire, plus engagée que réellement politisée, mais en nette rupture avec la chanson pop formatée. En scandant d’une voix de titi parisien Mon HLM (1980), Renaud Séchan, cheveux longs, foulard rouge et blouson noir,  se livre à un bel exercice de sociologie appliquée au monde encore très diversifié des banlieues. Les types sociaux sont compartimentés par étages, dans une HLM qui abrite au rez-de-chaussée « l’espèce de barbouze qui tire sur tout ce qui bouge », au premier le « jeune cadre dynamique » centriste et surendetté, au deuxième  les « anciens d’soixante-huit » qui vivent à six ou huit sur des matelas, au troisième « celle qui bosse dans la pub, l’hiver à Avoriaz, le mois d’juillet au Club », au quatrième le « communiste » qui en fait est trotskyste(!). La chanson se termine par une invitation à peine voilée à sortir de la grisaille ambiante en consommant du haschisch, drogue illégale et criminalisée depuis la loi de 1970 : « Putain c' qu'il est blême, mon HLM! Et la môme du huitième, le hasch, elle aime! ».


Le succès de cette chanson, qui s’étend bien au-delà du public des banlieues, confirme le renouveau de la variété francophone. Contrairement aux idées reçues, la période 1974-1981 est probablement l’une des plus créatives dans l’histoire des musiques populaires. La « nouvelle chanson française » se situe plus ou moins dans une tradition héritée de Brel (mort en 1977) de Brassens (mort en 1981), mais aussi de Ferrat, Ferré, Béart, Aznavour ou Bécaud ; elle voit l’éclosion d’artistes comme Julien Clerc, Maxime le Forestier, Alain Souchon, Jacques Higelin, Renaud, Daniel Balavoine, Francis Cabrel. Parallèlement, une certaine forme de pop/rock à la française permet de ménager une transition entre les Anciens et les Modernes (Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Dick Rivers, Nino Ferrer, Michel Polnareff, Jacques Dutronc, Françoise Hardy, France Gall et Michel Berger, le groupe Téléphone), tandis que la vogue des chanteurs de charme inonde les hit-parades (Mike Brandt, Gérard Lenorman, Dave, Frédéric François…) et dynamise une industrie discographique capable d’exploiter au mieux les modes. C’est d’abord le punk en 1977/78 avec le tube de Plastic Bertrand Ca plane pour moi puis le disco avec Born to Be Alive de Patrick Hernandez ou Alexandrie Alexandra de Claude François). Née en 1977/78 autour de deux films américains, La Fièvre du Samedi soir et Grease, la mode disco apparaît comme une mode anti-hippie, individualiste et superficielle, reléguant les jean’s, les pantalons en velours « à pattes d’eph’ », les grands cabans, les salopettes, les sabots, les clarks en daim et les chapeaux en ficelles au rayon des accessoires surannés. Elle est aussi une mode anti-punk, aimant  le paraître, le brillant et les paillettes, les lamés et les couleurs fluo. La musique disco génère une danse syncopée, solitaire et démonstrative, qui permet d’oublier le samedi soir - en discothèque bien sûr - les difficultés croissantes de la vie quotidienne.

Les années 1980 débutent en effet dans un climat détestable, sur fond d’ « affaire des diamants de Bokassa», de chômage et de joutes préélectorales. En février 1980, une courte citation du Canard Enchaîné – le journal satirique qui a « révélé » l’affaire - vaut à Coluche d’être débarqué sans ménagement de Radio Monte-Carlo, où il animait depuis peu une émission. Une campagne de presse anti-Coluche, menée notamment par le Figaro-Magazine de Louis Pauwels, pousse peut-être l’amuseur public No 1 à s’engager plus avant – et à sa manière - dans le débat citoyen. Le 26 octobre 1980, il annonce au Journal Télévisé sa candidature aux élections présidentielles, une candidature « bleu-blanc-merde » et « nulle » selon l’amuseur qui se veut le défenseur de « toutes les minorités », dont la liste est déclinée dans un programme électoral imprimé par Charlie Hebdo: « Tous ensemble pour leur foutre au cul ».

Cette candidature hautement fantaisiste, soutenue par une partie du show-biz (Eddy Mitchell, Jean-Paul Belmondo, Renaud, Gérard Depardieu) et par quelques intellectuels tels Pierre Bourdieu, Gilles Deleuze, Félix Guattari, relève d’un genre hybride, qu’on ne peut réduire aux « petites candidatures » folkloriques de la Vème République. Ses slogans faussement poujadistes méritent leur place aux côtés de ceux du Captain Cap d’Alphonse Allais (1902) : « Le seul candidat qui n’a pas de raison de mentir » ou « Ils nous prennent pour des imbéciles alors votons pour un imbécile » rappellent les publicités pour les lessives censées « laver plus blanc ». Ou ces aphorismes tenant lieu de programme social : « La différence entre un idiot riche et un idiot pauvre : un idiot riche est riche, et un idiot pauvre est un idiot » et « Je pense que les pauvres sont indispensables à la société, à condition qu'ils le restent ».
Signe des temps, l’événement est pris très au sérieux par le monde politico-médiatique, en raison de la popularité de Coluche, dont le score éventuel (de 12 à 16% d’intentions de vote) pourrait perturber le jeu politique, inquiéter à la fois François Mitterrand (alors assez loin dans les sondages) et Valéry Giscard d’Estaing, fragilisé par les affaires et la situation économique. Les médias audio-visuels, d’abord séduits et amusés, boycottent le candidat/saltimbanque, officiellement en raison de son engagement politique, mais très certainement aussi pour ne pas déplaire au pouvoir en place. Le journaliste Patrick Meyer se fait licencier de Radio 7 – la nouvelle station « jeune » de Radio-France -, pour avoir invité Coluche sur les ondes. Réaction tout aussi vive à L’Express, qui publie en décembre 1980 un dossier calomniateur sur « La vraie nature de Coluche ». Le succès impensable de l’homme politique Coluche devient une affaire d’Etat, sans commune mesure avec la menace réelle qui pèse sur la démocratie française. Le retrait en avril 1981 de sa candidature marque sans doute la fin d’une époque, mais aussi le début d’une autre. C’est Jacques Attali qui annonce directement à son ami Michel Colucci la victoire du candidat de la Gauche, le 10 mai 1981, un peu comme si le début des « années Mitterrand » était le prolongement naturel des « années Coluche». 

Dans les années 80, la carrière de l'humoriste est plus chaotique, alternant les périodes de retrait et de retour médiatique à succès. Coluche a été fortement ébranlé par les pressions qui se sont exercées lors de de sa pseudo-candidature. Il divorce, est très affecté par le suicide du comédien Patrick Dewaere et le décès prématuré du dessinateur Jean-Marc Reiser. Il tourne dans de nombreux films, surtout des nanars mais aussi de petits chef d'oeuvres comme Tchao Pantin de Claude Berri (1983, César du meilleur acteur).



En 1985, Coluche est vraiment de retour, décidé à "vivre vite" et à faire parler de lui dans la France mitterrandienne des années 80. Passionné de moto, il bat notamment le record du monde de vitesse à moto avec 252.087 km/h. Il reprend du service à la radio et aussi sur la chaine privée Canal +. En septembre, il monte un grossier canular en épousant l'imitateur Thierry Le Luron  (dont l'homosexualité n'a pourtant jamais été affichée par l'intéressé) « pour le meilleur et pour le rire ». Ce mariage est à la fois une parodie d'un autre mariage "people" très improbable - celui du présentateur de télévision Yves Mourousi et de son amie Véronique - et une revendication au fond plus sérieuse du droit à la différence des communautés gay, trans et lesbiennes, cela bien avant le "mariage pour tous" et à une époque où le SIDA commence à faire des ravages (Le Luron en sera la victime en 1986).

Sur Europe 1, le 26 Septembre 1985, Coluche lance : «J’ai une petite idée comme ça (…) un resto qui aurait comme ambition, au départ, de distribuer deux ou trois mille couverts par jour». Les Restos du Coeur sont créés, chargés de collecter des denrées alimentaires pour les gens dans le besoin en ces temps de crise économique et de chômage de masse. Durant la 1ère campagne hivernale, plus de 5 000 bénévoles distribuent 8,5 millions de repas. Le 20 Octobre 1988, le Parlement français votera à l’unanimité la “Loi Coluche” qui permet aux donateurs de bénéficier d'un crédit d'impôt sur les dons faits aux associations. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère médiatique, celle des grandes "causes humanitaires" et du charity business, lancé en 1984 par le groupe Band Aid en faveur de l'Ethiopie. Le 26 janvier 1986 a lieu sur TF1 une émission de variétés de 4 heures qui permet de récolter près de 26 millions de francs pour les restos du Coeur. C'est l'occasion pour D.Blanc-Francard de produire une chanson écrite par Jean-Jacques Goldman (La Chanson des Restos) collectivement interprétée par diverses vedettes de la télévision, du cinéma, du sport et de la chanson et qui connaît un gros succès public. Coluche semble avoir trouvé sa voie, mais son accident de moto met brutalement fin à une carrière brève (une bonne dizaine d'années), très représentative des contradictions d'une époque, entre les "années Giscard" et les "années Mitterrand". Tout comme Raymond Devos, Guy Bedos, Pierre Desproges et quelques autres, Coluche et les humoristes devraient être pris très au sérieux par les historiens !

 

 



 

 

 

 

 

 

 

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