JUILLET 2013

 

Du Tour de la France au Tour de France (1877-1903)

Le bloc-feuillet de la Poste est déjà dépassé : Lance Armstrong a été démis de ses titres! Les héros timbrifiés sont Anquetil, Hinault, Merckx, Indurain, Armstrong (?) et le vaillant Maurice Garin.

En 1877, quelques années après le choc de la défaite de 1870, paraît aux éditions Belin Le Tour de la France par deux enfant, dont la particularité est de ne pas être un manuel d’Histoire, mais de proposer une vision globale de la Nation, morale, historique, géographique :
"Sans omettre dans cet ouvrage aucune des connaissances morales et pratiques que nos maîtres désirent trouver dans un livre de lecture courante, nous avons essayé d’en intro­duire une que chacun de nous considère aujourd’hui comme absolument indispensable dans nos écoles : la connaissance de la patrie. On se plaint continuellement que nos enfants ne connais­sent pas assez leur pays s’ils le connaissaient mieux, dit-on avec raison, ils l’aimeraient encore davantage et pourraient encore mieux le servir. Mais nos maîtres savent combien il est difficile de donner à l’enfant l’idée nette de la patrie, ou même simplement de son territoire et de ses ressources. La patrie ne représente pour l’écolier qu’une chose abstraite à laquelle, plus souvent qu’on ne croit, il peut rester étranger pendant une assez longue période de la vie. Pour frapper son esprit, il faudrait lui rendre la patrie visible et vivante. Dans ce but nous avons essayé de mettre à profit l’intérêt que les enfants portent aux récits de voyages. En leur racontant le voyage courageux de deux jeunes Lorrains à travers la France entière, nous avons voulu la leur faire pour ainsi dire voir et toucher; nous avons voulu leur montrer comment chacun des fils de la mère commune arrive à tirer parti des riches­ses de sa contrée et comment il sait, aux endroits mêmes où le sol est pauvre, le forcer par son industrie à produire le plus possible."

L'édition originale du Tour de la France

Ce livre scolaire est l’un des best-sellers du 19ème  siècle : en 1914, 7,5 millions d’exemplaires ont été vendus, dont 3 millions de 1877 à 1887. Ecrit par la femme du philosophe Alfred Fouillée, Augustine, sous le pseudo de Giordano Bruno – le  philosophe maudit, brûlé à Rome en 1600 pour hérésie panthéiste – l’ouvrage richement illustré paraît même en 1906 dans une version expurgée de toute notation confessionnelle (on enlève même les « Mon Dieu »). A cette (belle) époque, on se déplace désormais un peu en automobile et surtout en bicyclette, mais nos deux enfants poursuivent leur exploration à pied, le long des routes et des chemins, écrivant en quelque sorte une histoire multiséculaire, continue, qui établit le lien entre des ancêtres fondateurs plus ou moins mythiques et le présent, à travers une langue commune, des héros, des monuments et des lieux chargés d’histoire et de culture (on dit aujourd’hui lieux de mémoire), des traditions populaires, des paysages emblématiques. Tous les ingrédients qui feront le succès du « Tour de France » cycliste sont déjà présents dans le voyage initiatique des deux enfants lorrains.
C’est d’abord l'affirmation d’une langue nationale, véhicule des valeurs et des savoirs. Tout le monde parle « français » dans le Tour de la France. L’histoire (comme l’école) est bien le meilleur moyen de « franciser la France » pour reprendre l’expression d'Eugen Weber dans La fin des Terroirs. Les régions traversées sont marquées par une hypothétique unité linguistique : le patois, les langues locales et régionales sont autant de survivances d’un monde cloisonné et a priori hostile à l’intégration républicaine. C’est ensuite la construction d’une histoire nationale plus ou moins mythique (où l’on rencontre les héros et les « grands hommes », région après région, département après département). Le Belin raconte une histoire nationale héroïque, de tendance politique « opportuniste » où les héros sont choisis pour leur contribution à la grandeur nationale, à l’exclusion notable des gloires régionales. Mais la contribution des héros est toujours défensive (Jeanne d’Arc, Du Guesclin) ou alors liée au travail, à l’effort, au progrès (Colbert, La Pérouse, Riquet, Sully, Pasteur dans l’édition de 1905) ;  les conquérants et militaires n’ont pas ou peu leur place (presque rien sur Napoléon). On relève ainsi 10 gloires militaires, 25 gloires artistiques, 3 ministres et orateurs, 5 gloires religieuses (avant 1905 et qui n’ont qu’un rôle civil comme Saint Vincent de Paul). Pas encore de sportif...! C’est pratiquement Colbert qui le héros du livre, grand constructeur de la grandeur nationale, avant que Louis le Grand ne vienne tout détruire par ses guerres coûteuses. Les bâtisseurs sont aussi à la fête. Ils se dégage finalement l’impression curieuse d’une France éternelle "sans Dieu et sans Roi" - conforme à la pensée de Jules Ferry révélée à Jean Jaurès en 1885 : « Organiser l’humanité sans dieu et sans roi ». Même certains « bons rois » sont occultés car trop connotés religieusement comme Henri IV et Saint-Louis ou trop aimés sous la Restauration honnie. C’est enfin le dessin d’une « nature nationale ». L’ouvrage Belin est abondamment illustré de paysages emblématiques des provinces traversées, à la fois en liaison avec la géographie et l’histoire nationales.

Le trajet des enfants lorrains

Ce sont les mêmes paysages que magnifie le Tour de France de 1903 à nos jours, avec une étonnante continuité touristique et identitaire. Comme le rappelle le géographe Gilles Fumey dans un article très documenté :
« Le succès du Tour de France dépasse l’enjeu cartographique mais c’est bien sur la carte du Tour, publiée chaque année, que se construit une petite part de la mémoire de la France, une leçon annuelle de géographie nationale, qui borne et jalonne la France et ses voisins de repères symboliques, constitutifs de l’identité française ». Lire Gilles Fumey « Le Tour de France ou le vélo géographique », Annales de géographie 4/2006 (n° 650), p. 388-408. (www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2006-4-page-388.htm.)

L'Affiche touristique contemporaine permet de deviner facilement la destination proposée : c’est le résultat d’un long travail de codification de la nature en termes nationaux, qui a été élaboré au 19ème siècle. Ce mode de différenciation apparaît simple pour certains pays (« de montagne » pour la Suisse, « de fjords » pour la Norvège, « de plaines » pour la Hongrie ou les Pays-Bas), mais plus complexe en France. Ainsi la spécificité française se construit-elle à partir de la diversité des paysages et des ressources naturelles, ce que montre parfaitement le Tour de la France puis le Tour de France. La France est le résumé idéal de l’Europe, concentré d’Europe, alliance harmonieuse des contrastes, terre de la modération, ce qui n'exclut pas quelques rares excès. Le paysage archétypique n’est donc pas montagneux, rocheux ou lunaire, mais plutôt celui d’un vallon herbeux ondulant par temps calme et doux, sous un ciel légèrement nuageux, avec des arbres formant un bosquet, un village dans le lointain. Le paysage emblématique n'est pas citadin mais rural, ancré dans le terroir et symbole de la France. Au 19ème siècle, le paysan est encore l’être national par excellence. C’est le cas dans le Tour de la France. La paysannerie devient le musée vivant des origines nationales, ayant maintenu grâce à ses traditions le fil direct avec les grands ancêtres, et ayant un rapport intime avec la terre nationale. On multiplie les enquêtes et collectes ethnographiques, afin de fixer les traditions, d’étudier les costumes, les chansons, les fêtes…car il  y a la crainte de la disparition des terroirs, des "petites patries" selon la terminologie barrésienne. Dans la deuxième moitié du 19ème, on photographie aussi beaucoup, dans une sorte de frénésie patrimoniale. La peinture réaliste s’en mêle, donnant une vision quasi idyllique du travail de la terre et du monde rural. On retrouve ce folklorisme national dans les grandes expositions universelles du 19ème et leurs « villages ethnographiques » (on étendra le genre aux colonies avec les « expositions coloniales ») puis dans le Tour de France cycliste. Certaines régions anticipent d'ailleurs déjà sur un tourisme de masse, ouvrant en montagne ou sur la Côte d'azur des « syndicats d'initiative ». Le premier est ouvert à Cauterets en 1884 et il en existe 312 en 1914 ; en 1910 est créé par Etienne Millerand un office National du Tourisme. Les SI ne sont pas toujours pas toujours l'apanage des régions connues de manière internationale (comme Nice, Chamonix ou Vichy) : ainsi existe t-il des syndicats fédérés comme ceux du Sud-Centre regroupant des région de montagne en crise comme l'Ariège, l'Aude, l'Aveyron, le Cantal et qui font de la publicité dans les journaux, éditent des cartes-postales valorisant le repos et grand air. La carte-postale illustrée est une des grandes trouvailles du début de siècle, exploitant pleinement les ressources de la photographie et de l'image, avec un tarif préférentiel de 5 centimes contre 10cts à la lettre. De même,  les associations françaises d'excursion et de tourisme (Club Alpin, Club Vosgien, Excursionnistes Marseillais, Touring Club de France) ont pour but de "convoquer la foule" selon un slogan du CAF. Les membres du CAF forment une élite militant dans le sens d'une massification du tourisme et des loisirs et non dans celui d'un repli aristocratique : on trouve le même état d'esprit dans les guides Hachette comme le Guide bleu (1910) - G.Hachette est membre du CAF, le célèbre Guide rouge Michelin (1900), le guide Baedecker (1902). Par ailleurs, l'essor des stations de villégiature, balnéaires, thermales, climatiques ou des bords de ville s’inscrit dans le mouvement de "l’avènement des loisirs" , de la médicalisation de la société française et du développement des moyens de transport de nature touristique. (lire de B.Toulier, "Les réseaux de la villégiature en France", In Situ, 4, 2004).
Certes, la notion de « vacances » est encore très restrictive, mais la laïcisation des vacances scolaires change les données du problème. En effet, la République introduit des congés scolaires qui ne se dispersent plus au gré des fêtes religieuses du calendrier. Des arrêtés de 1891-1898 instituent des "grandes vacances" du 1 août au 1er octobre, puis à partir du 14 juillet au 1er octobre en 1912. Les "petites vacances", à pâques sont laïcisées et passent à 1 puis 2 semaines après 1918, ainsi que le Jour de l'An. Evidemment, dans les milieux populaires, l'avènement des vacances entre en contradiction avec les usages et les possibilités familiales, et elles livrent une partie des enfants des villes (à la campagne il y a du travail et bien de petits ruraux attendent avec impatience la rentrée scolaire !) au désœuvrement. Cela suscite la création des "colonies de vacances". Les premières sont des missions de bienfaisance chrétienne, comme la Mission des trois Semaines (créée en 1881 par le pasteur Lorriaux et qui a pour but de procurer trois semaines de séjour aux enfants qui en ont besoin ainsi que leurs mères parfois, ainsi Courseulles dans le Calvados en 1909). En 1913, 171 patronages catholiques  envoient 7000 enfants dans les colonies. Il y a aussi des œuvres laïques qui  naissent à la même époque. En 1883, la Caisse des Ecoles du IXème envoie 100 enfants de l'arrondissement dans le Jura et les Vosges. En 1887 est crée le Comité parisien des colonies de vacances, qui envoie en 1895 3287 enfants parisiens (filles et garçons à part égale sur une population totale de 142 000 enfants de communale). L'objectif des œuvres laïques est éminemment hygiénique et patriotique. On prend soin du corps, on lutte contre les fléaux (tuberculose), on codifie les comportements, à base de discipline et de jeux. Il s'agit de métamorphoser une population "confuse" en une collectivité qui reconnaît les mêmes règles et partage les mêmes émotions et les mêmes collectivités.

Au final, tout est en place au début du XXème siècle pour consacrer le règne du vélo, à la fois le symbole de la modernité technique, du temps libre et des vacances, du sport et de l’effort physique, de la vie saine en plein air, du tourisme, de la découverte de la France et de sa diversité paysagère. Tout cela en rappelant, l'air de rien, que faire le Tour de France, c'est un peu faire le Tour du Monde.
Le modèle de la  « bicyclette » - qui s’impose après de nombreux essais d’engins sur deux roues - est celui de la « bicyclette de sécurité » anglaise de type Rover (1885), une innovation qui fixe durablement les normes techniques  : elle dispose de deux roues de taille raisonnable, un engrenage par chaîne, des pneumatiques (Dunlop) puis des chambres à air (Michelin).

La bicyclette devient une pratique de masse en France dès la fin du 19ème (1 million d'utilisateurs en 1893 paient « l’impôt vélocipédique » qu’acquittent aussi Sarah Bernhardt, Toulouse-Lautrec, Zola, Clemenceau, Vuillard, entre autres célèbres vélocipédistes), qui se renforce avant 1914 (5 millions de cyclistes, notamment grâce au marché de l’occasion : un vélo coûte entre 20 et 30F) et par des associations comme le Touring Club de France. Les contraintes techniques ne sont toutefois pas minces, un peu à l'instar d'une automobile bon marché qu'il faut savoir dompter : pas de « roue libre » ni de dérailleur, des freins à machoire peu efficaces (ou pas de frein du tout), des crevaisons garanties sur des routes encore peu goudronnées, des vêtements inadaptés, surtout pour les femmes ! Les accidents sont donc assez fréquents, relatés par la presse populaire, tout comme le sont les événements plus heureux. Le mariage pour tous...à vélo!


L’essor du « vélo » est stimulé par l’esprit de compétition, importé d'Angleterre puis du nouvel esprit "olympique". Les premières « courses cyclistes » se déroulent à la fin de l’Empire (1869, parc de Saint-Cloud). La création de l’Union vélocipédique parisienne en 1876 qui devient l’Union vélocipédique de France permet l’organisation d’un Bordeaux-Paris en 1891 suivi d’un Paris-Brest organisé par le Petit Journal. Elles prennent vite une dimension internationale et sont relayées par un presse spécialisée comme Le Vélo de Pierre Giffard, un dreyfusard qui s'oppose en 1898 à son annonceur principal, le comte De Dion, patron antidreyfusard et riche constructeur d'automobiles et de cycles. Le Comte de Dion crée alors en 1900 avec Henri Desgranges Auto-Vélo (L'Auto en 1903), qui se lance la même année dans l'organisation d'un Tour de France cycliste, du 1er juin au 5 juillet avec 20 000F de prix - une somme équivalent à 7 629 710 euros (en pouvoir d'achat) selon le convertisseur INSEE, qui semble toutefois un peu optimiste ! C’est tout de suite un énorme succès populaire : les « forçats » ou les "galériens" du Tour de France deviennent les héros modernes (Maurice Garin, le 1er vainqueur du Tour, est de fraîche immigration italienne, autre patrie d'adoption du vélo de compétition), le sportsman devient une valeur sûre, tandis que l’industrie du cycle connaît une durable prospérité (les cycles Manufrance et Mercier à Saint-Etienne, Peugeot à Sochaux). Henri Desgranges voit dans les coureurs cyclistes « l'aristocratie du muscle », des « soldats du sport » qui « fascinent les milieux populaires » ! Ceux-ci courent dans des conditions dantesques, souvent de nuit et sans jamais s'arrêter de pédaler, sauf en cas de crevaison. Le Tour de France devient alors, selon les mots du philosophe Robert Redecker une sorte de condensé de France, une somme de petites patries, au fond "le Barrès de ceux qui ne savaient pas lire, ou ne lisaient pas ; il a été leur Colline inspirée à eux, il a été leur vision de la terre et des morts. Autant que ces deux écrivains, Michelet et Barrès, le Tour de France a servi à rendre sensible l'entité France (http://www.liberation.fr/tribune/0101420537-tour-de-france-du-mythe-au-produit).

Le Tour va porter en France une vision moralisatrice et hygiéniste du sport, avec des coureurs équipés de la « fée bicyclette », symbole de la vitesse et de la modernité. Une modernité qui n’est pas incompatible avec toute une tradition ancestrale du « tour » ce qui permet d'ancrer l'événement dans l'Histoire et de réconcilier provisoirement les Anciens et les Modernes, les Monarchistes et les Radicaux-Socialistes et même les cyclistes dreyfusards et anti-dreyfusards. C'est le Grand Tour monarchique instauré par Catherine de Médicis pour Charles IX (Jean Boutier, Alain Dewerpe, Daniel Nordman, Un Tour de France royal. Le Voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984), dans lequel le Roi parcourt en deux ans 4000 kilomètres ; c'est le tour des compagnons – les premières étapes du Tour 1903 sont Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Nantes, autant de villes de compagnonnage -  et bien sûr le Tour déjà mentionné des deux enfants lorrains dans les années 1870).

Image d'Epinal du Tour de France des compagnons

L'essor du sport cycliste se produit dans un contexte favorable au développement du sport de compétition mais aussi à celui du sport de masse. Ce nouveau consensus sur la nécessiter de massifier le sport n'est pas sans arrière-pensée idéologique. Il faut améliorer la race, ce que dit d'ailleurs clairement le baron de Coubertin en militant non seulement pour les Jeux Olympiques (à Paris en 1900), mais pour le sport scolaire, les pratiques sportives ne devant pas être « le monopole des riches et des fainéants ». La jeunesse est molle, veule et confinée et il faut la « rebronzer » dit cet aristocrate catholique rallié qui a fréquenté les collèges anglais (le collège de Rugby) et qui admire la culture grecque, mais la « rebronzer » pour « élargir sa vision et son entendement par le contact des grands horizons, sans distinction de naissance, de caste, de situation, de métier » (mais de sexe, si, d'ailleurs Coubertin ne conçoit l'activité physique que pour les Garçons et il sera toujours opposé à la présence de femmes aux JO tout comme à leur installation sur les selles de vélos !). On retrouve une idéologie très marquée par le goût du sport dans  la jeunesse étudiante analysée par Agathon en 1912 (Henri Massis et Alfred de Tarde, deux jeunes nationalistes catholiques…patriotes, germanophobes…cyclistes…et sportifs).

Quoi qu’il en soit, le vélo fait l’unanimité et le Tour de France apparaît en juillet 1914 comme un succès populaire qui ne se dément pas. Désormais, le vélo franchit les cols (dès 1905) et la très haute montagne (le Galibier en 1911, sur des pistes à moitié enneigées)…Le Tour 1914 s’achève quelques jours avant la déclaration de guerre et Henri Desgranges ne désespère pas d’organiser la prochaine édition… en 1915, une édition qui imaginait le passage des coureurs en Alsace et en Moselle !

Parcours du Tour de France, Carte de Gilles Fumey, op.cit.

Le Tour de France a donc 100 ans...et il fait désormais partie non seulement de l'Histoire du sport mais de l'Histoire sociale et culturelle de la France contemporaine. Certes, la télévision a versé, pour reprendre une nouvelle fois les analyses de Robert Redecker, le Tour de France de l'espace du mythe dans celui, plus prosaïque, du produit: "Banal produit, le Tour de France ne peut survivre qu'en disposant du capital symbolique acquis pendant les décennies, aujourd'hui révolues, où il était un mythe". Et de fait, les multiples affaires de dopage, le grand barnum des marques, les délires journalistiques ont produit une caricature monstrueuse de la culture de masse, un événement inféodé aux lois du divertissement planétaire et au culte du surhomme. Et comme le titrait Le Monde à quelques jours du départ (de Corse!) : "Grande Boucle, Grande supercherie".