On voudrait revivre.
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Aux origines des Rolling Stones, il y a 50 ans...
Stones 1962 (Ian Stewart,Keith Richards, Charlie Watts, Brian Jones, Bill Wyman, Mick Jagger)
Succès d'estime un an plus tard, pendant l'été 1963, en plein début de folie beatlemaniaque, avec un 45 tours (Come on de Chuck Berry) qui reprend un classique du rock 'n'roll américain, chanté par un artiste noir.
Le tout jeune imprésario des Rolling Stones, Andrew Loog Oldham, est déçu malgré le contrat qu'il a réussi à décrocher chez Decca : tandis que les Beatles caracolent en tête du hit-parade avec From Me To You et She Loves You, ses poulains sont très mal classés, ce qui les prive en grande partie d'une couverture médiatique honorable. Le Daily Mirror leur consacre bien en juin une colonne entière, mais il limite son commentaire à l'éviction des Stones du Crawaddy Club, appartenant à une chaîne hôtelière bien pensante. Les journaux spécialisés dans le music business (Melody Maker, NME, Music Echo, Record Mirror ) s'intéressent surtout aux groupes en tête du Top Twenty, ce qui poussera d'ailleurs le chanteur Mick Jagger à dénoncer la tyrannie du hit-paradeanglais et de ses relais journalistiques. Les prestations télévisées du groupe ne sont guère plus encourageantes, car les producteurs des émissions pour les jeunes ne veulent prendre aucun risque, les Beatles constituant la seule référence scénique, vestimentaire et capillaire. La première apparition des Stones à la télévision (Thank You Lucky Stars sur ABC le 6 juillet 1963) vaut même à la chaîne des appels de gens outrés par la présentation du groupe (vêtements bohèmes, cheveux plus longs que les Beatles, sourires arrogants, poses ambiguës). Laisseriez-vous votre fille aller (ou se marier) avec un Rolling Stone ? Au dos de la pochette de leur premier disque, il n'hésite pas à affirmer sa "philosophie" de la musique pop : Les Rolling Stones sont plus qu'un simple groupe — ils sont un mode de vie. Le génie publicitaire de ce jeune imprésario est incontestable, mais il n'a fait qu'exploiter la nature profonde de ces jeunes gens un peu potaches, mais aussi exhibitionnistes et anticonformistes ; ceux-ci auront avec le recul tendance à minimiser les manipulations médiatiques de Oldham afin de mettre en valeur leur originalité propre. Keith Richards expliquera ensuite que les Stones vont très vite transgresser l'image stéréotypée et fabriquée de "mauvais garçons" issus de l'univers de Burgess, en imposant un style très hétéroclite de Rockersbeatniks. Dans la célèbre émission de variétés d'ITV Ready,Steady, Go!,en août 1964, les Rolling Stones se présentent en fait au naturel, avec des vêtements de tous les jours. C'est pour l'époque un grand événement de télévision, tant les Stones semblent se démarquer de l'image pop traditionnelle ! L'évolution est encore plus nette dans les Ready, Steady,Go! de la rentrée : Mick Jagger enlève sa chemise et chante en tee-shirt immaculé avec un accent qui rappelle à la fois les faubourgs de Londres et ceux de Chicago ; Keith Richards a l'air débraillé avec son jeans, ses boots noires et un blouson trop court ; Brian Jones porte un pull à col roulé et Bill Wyman une grosse veste en velours côtelé. Les cheveux sont très longs et surtout mal coiffés, cachant les yeux et les oreilles et débordant le long du cou. Sur les pochettes des disques, les clins d'œil aux Beatles sont évidents, mais il s'agit surtout de marquer la particularité du groupe. La photographie du premier 33 tours, signée Nicholas Wright, traduit bien, à travers des visages fermés, des cheveux peu soignés (les mèches rebelles de Mick Jagger), des vêtements disparates cette particularité. En 1965, alors que Robert Freeman compose pour les Beatles la photographie popde l'album Rubber Soul, Decca utilise le talent d'un jeune photographe à la carrière déjà très prometteuse, David Bailey, bientôt l'une des figures emblématiques du Swinging London. Sur la pochette du disque Out Of Our Head , on note la même utilisation du grand angle pour déformer les visages, mais Bailey jette une lumière crue et sans concession sur les membres du groupe, tandis que les Beatles sont déjà des stars lointaines et presque inaccessibles : difficile de ne pas voir au premier plan les cheveux gras et les boutons acnéiques de Keith Richards, les poches sous les yeux vides de Brian Jones, tandis qu'à l'arrière-plan Mick Jagger entrouvre légèrement ses lèvres charnues ! Dedans {la pochette}, il y a le dernier disque des Stones. Cherche bien au fond de tes poches le fric pour acheter ce disque de groovies {choses à la mode et excitantes à la fois} et de mots inhabituels. Si t'as pas de tune, regarde cet aveugle, tape-lui sur le crâne, vole son portefeuille et une fois que t'as le fric, tu lui donnes un bon coup, parfait, un autre disque vendu. La plaisanterie (?) est de très mauvais goût à la lumière de l'évolution de la délinquance — ce genre de faits divers deviendra réalité avec l'apparition d'une ultra-violence juvénile — mais elle faisait partie à l'époque de la stratégie publicitaire de l'imprésario des Rolling Stones. Personne n'en imaginait bien les tragiques retombées, au moins avant le meurtre en 1969 au festival d'Altamont d'un jeune homme en plein concert par un membre du service d'ordre des Hell's Angels. Des centaines d'adolescents à la débandade ont arraché des sièges et cassé des vitres dans un théâtre parisien aujourd'hui à la fin d'un concert donné par le groupe beat anglais Rolling Stones. La police a été appelée. Les policiers poussèrent le public hors du théâtre et mirent quelques jeunes dans les cars de police (...) mais beaucoup d'autres (...) arrachèrent des affiches, cassèrent des vitrines et déchirèrent les devantures des kiosques à journaux. Dans un café, les jeunes renversèrent des tables et jetèrent des clients sur le trottoir. Disco Revue 1964 De tels événements ne sont pas faits pour améliorer l'image négative que la presse hexagonale donne des groupes pop anglais, mais ils sont significatifs des frustrations d'une partie de la jeunesse française. On assiste aux abords de l'Olympia à un mini-mai 68... les slogans politiques en moins.
(...) Le danger dans les œuvres des Beatles est la tendance à la dénégation maniaque de tout ce qu'il y a de conflictuel dans les relations humaines — tout ce qui ne peut pas se résoudre immédiatement et miraculeusement. Dans leurs thèmes typiquement arrogants et narcissiques, les Stones fournissent une critique de cette sorte d'intimité superficielle, ce que les Beatles n'ont jamais vraiment risqué.
Alors Stones ou Beatles ? Un débat ouvert en 1962 et jamais complètement clos dans la désormais très longue histoire du rock. Nota : La bibliographie des Stones est considérable. En français, on lira la très belle (et bien informée) biographie romancée de François Bon (en poche depuis 2004) et on savourera aussi l'autobiographie de Keith, Life, parue en France en 2010. Sur INTERNET, très nombreux sites, dont le site officiel.
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