archives | ar | |||||
|
Le mois d’avril débute de façon dramatique avec l’assassinat (le 5) de Martin Luther King, un événement qui se prolonge par des émeutes raciales dans 110 villes américaines (des dizaines de morts et des milliers de blessés). Le célèbre pasteur, icône de la lutte afro-américaine pour l’égalité des droits civiques, n’était pas venu à Memphis Tennessee défendre des étudiants pacifistes en grève mais soutenir une grève déclenchée par les éboueurs de la ville, à majorité noire. C’est le début d’une série de meurtres dirigés contre les vrais démocrates et progressistes américains, comme le sénateur Robert Kennedy, le jeune frère de John, le 5 juin 1968. Robert K. a proposé en mars 1967 un plan pour mettre fin à la guerre et le 18 mars 1968, deux jours après l’annonce de son entrée en campagne présidentielle, il fait un discours à la Kansas State University, précisant les raisons de son opposition à la guerre , jugée « ingagnable » : “our present course will not bring victory; will not bring peace; will not stop the bloodshed; and will not advance the interests of the United States or the cause of peace in the world.” Qui donc avait intérêt à le supprimer ? Et pendant ce temps la guerre du Vietnam fait rage : les bombardements américains dans la région de Thanh-Hoa, à 320 kilomètres au nord du 17e parallèle se poursuivent sans relâche. La présence américaine en Asie et tout particulièrement au Japon renforce l'activisme de la Zengakuren (ligue étudiante pro-communiste, née en 1948), qui s'allie aux paysans nippons pour s'opposer à l'implantation de nouvelles bases US (un aéroport à Naritan, une base à Okinawa).
Le mouvement étudiant monte en puissance dans toute l’Europe, en Amérique et bien au-delà du monde occidental. Il s'internationalise de manière exponentielle. Tandis que le 22 avril, Henri Langlois reprend possession de la Cinémathèque (lire la chronique de février), le 23 avril a lieu l’occupation de Columbia à New York, à l'initiative du SDS (Students for a Democratic Society) pour s'opposer à la construction d'un gymnase universitaire sur un terrain appartenant à la communauté de Harlem et aussi pour dénoncer des contrats finançant des recherches militaires. Le mouvement va gagner en quelques jours tous les campus américains. Le 27 avril, une manifestation et des heurts violents ont lieu Piazza Cavour, à Rome et l’agitation gagne Turin. Milan, Venise, Bologne, Bari. Le 30 avril, c’est aussi le début de quatre jours d'émeutes à Madrid, suivis par Séville, Bilbao et Alicante. En Chine, dans la banlieue de Pékin à l'université Tsinghua - au centre du lancement de la révolution culturelle deux ans plus tôt – c’est le début d'un conflit armé entre deux tendances des gardes rouges; plusieurs milliers d'ouvriers viennent rétablir l'ordre à la demande de Mao. Les « maos » occidentaux peuvent en prendre de la graine : dans la Chine communiste du Grand Timonier, les ouvriers rappellent les étudiants à l’ordre ! Mais pour les intellectuels et militants marxistes-léninistes fascinés par le modèle communiste chinois, la Révolution culturelle «ouvre une époque toute nouvelle dans le mouvement communiste mondial, annonce un nouveau printemps des peuples. [...] Pour aller au fond des choses, nous voulons édifier un Parti communiste de l’époque de la Révolution culturelle », explique en mai 1967, l’éditorial du journal de l’UJC(ml), Garde Rouge. Autant d'aveuglement laisse rêveur. C'est aussi en 1967 que Jean-Luc Godard sort son film La Chinoise, où les héros prolétariens sont ici des étudiants qui essaient de vivre en appliquant les principes maoistes, imposant aux spectateurs les plus courageux (ceux qui sont restés) des débats verbeux sur le marxisme-léninisme et la Révolution culturelle, non sans perspectives d'actions révolutionnaires remarquables (assassiner un dignitaire soviétique à Paris, par exemple). Mais bon, il y a la très belle Anne Wiazemsky, la jeune muse gordardienne, et le toujours épatant Jean-Pierre Léaud. On retrouvera le Grand Timonier affiché en mai-68 sur les murs de la Sorbonne occupée et on pourra lire ses écrits jugés "libertaires" dans les livraisons de la revue Tel Quel... « Le marxisme comporte de multiples principes qui se ramènent en dernière analyse à une seule phrase : on a raison de se révolter. Pendant des millénaires, il a toujours été prétendu qu’on a raison d’opprimer et d’exploiter et qu’on a tort de se révolter. Mais le marxisme apparaît et renverse ce vieux verdict. C’est là un de ses grands mérites. (...) Qu’on donne toute son importance à la lutte des classes et on obtient la clé de tous les problèmes », Mao Zedong, octobre 1966 De Godard au cinéma, il ya tout de même un lien logique. Comme chaque mois, jetons un regard sur les productions cinématographiques et musicales de 1968. En avril sort de façon confidentielle La Révolution, ce n'est qu'un début, continuons le combat du comédien Pierre Clémenti. C'est un Manifeste psychédélique pour la révolution permanente (sous LSD ? c’est bien possible) de 23 minutes, tourné en 16mm, avec notamment Jean-Pierre Kalfon et Valérie Lagrange. Filmé entre Rome et Paris, c'’est on l'aura compris un film expérimental, assez rock sur fond de guitares électriques saturées, ce qui n’est pas si fréquent dans la France de 1968. Par ailleurs et dans un registre un peu plus commercial, les sorties d’avril 1968 en France ont tout de même de la classe : on notera dans le désordre L’enfance nue de Pialat (son premier long métrage, implacable), 2001 odyssée de l’espace de Kubrick (un choc visuel sinon métaphysique), La Party de Blake Edward (très très drôle), L’écume des jours de Charles Belmont avec Jacques Perrin (dispensable), Une histoire immortelle d’Orson Welles avec la sublime Jeanne Moreau et enfin Je t'aime, je t'aime d’Alain Resnais. Pas mal du tout, de quoi se divertir avant les événements de mai !
Musicalement, les « tubes » internationaux sont un peu les mêmes que ceux du mois de mars, ainsi Otis Redding, les Beatles, mais il faut noter le retour en force de Louis Amstrong et son What a wonderful world, en particulier en Angleterre (No 1). En France, Jacques Dutronc est très bien placé au hit-parade avec sa chanson co-écrite avec Jacques Lanzmann, Il est 5 heures, Paris s’éveille. Une ritournelle que l’on va beaucoup entendre en mai 1968…(reprise ici par Dutronc au Zénith en 1992, qui a gardé la partition originale de flute traversière).
|
|
|
|||
|
© 2009-2018. Les sites berlemon.net sur la Toile depuis 1998! NONo No militons pour un vrai partage du web sans réseaux dits "sociaux" ! hébergement OVH |