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13 novembre 2015

Après la sidération, la compassion, puis la réflexion sur un événement hors norme, qui nous a tous ébranlés, à des degrés divers. Mais il est encore bien tôt pour en tirer des conclusions. Beaucoup d'intellectuels (artistes, philosophes, écrivains, politologues, historiens...) ont déjà donné leur point de vue, ont promis aussi de rester "mobilisés". Gilles Kepel pense que l'EI cherche "à provoquer une guerre civile" ; il emploie les mots d'histoire "rétrocoloniale" à propos de l'émergence d'un djihadisme hexagonal et s'en prend à l'ignorance crasse des élites politiques concernant la situation au Proche Orient. Thomas Piketti précise de son côté que l'Etat islamique en Irak et au Levant "est directement issu de la décomposition du régime irakien, et plus généralement de l’effondrement du système de frontières établi dans la région en 1920".Pour les historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi, "nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient". Michel Onfray en appelle d'ailleurs à « cesser de bombarder les populations musulmanes sur la totalité de la planète », ce qui lui vaut une violente diatribe de Laurent Joffrin dans Libération puis une apparition vidéo (!) dans la dernière revendication de Daech datée du 21 novembre. Michael Walzer parle d'une "guerre idéologique" à mener, à travers la cause à défendre des "Etats sans dieux", tandis que Jürgen Habermas estime que le djihadisme est "une forme moderne de réaction au déracinement". Pour Marcel Gauchet, il est "le signe paradoxal de la sortie du religieux". Ce sont là quelques bribes d'un débat qui est loin de réfléter l'Union Nationale prônée par les différents groupes politiques. La question des racines du terrorisme (et faut-il vraiment continuer à le dire "islamique"? Ne fait-on pas un peu facilement l'amalgame entre salafisme et djihadisme?) est centrale, dans la mesure où ce sont notamment de jeunes Français qui se radicalisent. Les lectures habituelles du phénomène sont de nature culturaliste (avec l'arrière plan de prétendue guerre des civilisations) ou de nature tiersmondiste (le syndrôme post-colonial, sur fonde de conflit israélo-arabe), mais le politologue spécialiste de l'Islam, Olivier Roy, estime qu'il faut penser en termes de "révolte générationnelle", une révolte qui conduit à une violence individualiste de type nihiliste, sans aucun fondement théologique sérieux. Face à cette terreur aveugle et qui n'accorde aucun prix à la vie humaine se pose aussi la question de l'Etat sécuritaire sur fond d'état d'urgence. Ahmed Ogras en appelle au "djihad contre le fanatisme" mais avec quelles armes au juste contre l'obscurantisme? Quelle pédagogie ? André Manoukian propose un peu candidement de parler aux jeunes musulmans de "leurs ancêtres", comme le savant arabe Averroès, le poète persan Omar Khayam, le musicien kurde Zyriab. Pour le foucaldien Frédéric Gros : "La résistance éthique, le refus de se constituer soi-même comme sujet sécuritaire, est fondamentale, elle est l’honneur du sujet politique en démocratie". On ne saurait mieux dire. Et pour verser dans un (très relatif) optimisme, cette tragédie ne pourrait-elle pas aussi réveiller les consciences d'un humanisme européen, celui qui a pensé les Lumières comme un système de valeurs universelles et transnationales. En ces temps mortifères de repli identitaire et de retour à un "récit national", n'est-ce pas la réponse la plus appropriée à ceux qui veulent détruire notre histoire commune, des ruines de Palmyre au rock'n'roll anglo-saxon de Eagles of Death Metal.

 

Logo "Peace for Paris", posté sur les réseaux sociaux dès le 14 novembre par le plasticien Jean Jullien

Central Park en octobre 2015, pour le 75ème anniversaire de la naissance de John Lennon

Give Peace A Chance!

" Du fait que nous partageons cette petite planète qu’est la Terre, nous devons apprendre à vivre en paix et en harmonie les uns avec les autres, et avec la nature. Ce n’est pas seulement un rêve, c’est une nécessité. "

Dalaï Lama, discours de réception du Prix Nobel de la Paix, 1989

Automne rouge, huile sur toile, en hommage aux victimes du 13 novembre. Le journal Le Monde a décidé de leur consacrer un mémorial : la lecture des premières biographies publiées nous saisit de tristesse et de colère, au regard de ces (jeunes) vies fracassées.

Toile peinte en 1995, en référence/hommage au peintre Bram Van Velde mais inspirée aussi par les horreurs vécues par les habitants de Sarajevo pendant la guerre de Bosnie. Une toile qui parle des tragédies de ces vingt dernières années.

 

Les obscurantistes fanatisés ont massacré des jeunes (et des moins jeunes) qui buvaient aux terrasses des bistrots ou écoutaient du rock'n'roll dans une salle de concert, en l'occurrence le Bataclan. Ecouter du rock mais - surtout - continuer à assister à des concerts de rock, c'est cela aussi la résistance démocratique !

"La musique est une religion que tout le monde peut partager. Une réponse, plus juste que les balles, à ceux qui pensent que leur culture et la nôtre ne peuvent coexister. Pour un musicien, le plus bel acte de résistance est de toucher le cœur des gens. Pas de leur tirer dessus. Même sur des terroristes" Damon Albarn, novembre 2015

 

 

 

 

 

"Le fond de l'air est frais"

Fred (1931-2013)

 

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