JOHN MULLEN

Une profession honorable ? Le conflit social dans la fonction publique britannique sous les gouvernements Thatcher-Major 1979-92


Chapitre 1 Introduction

 Verser quelques larmes sur les 1er mai d'autrefois, évoquer les immenses défilés ouvriers piquetés par les drapeaux rouges, coquelicots des révolutions radieuses, fredonner Le temps des cerises pour signaler les jolis restes d'une culture de classe, tout cela n'est plus vraiment de saison. (Editorial du Figaro, 30 avril 1992)
 

 Routine white collar employees for example can plausibly be classified either as proletarians or as members of a 'new middle class'. For this reason they are theoretically crucial to the various contrasting models of 'late capitalist' or 'post industrial' society which are currently available. (Marshall et alii 1988:27)

 Mankind in all ages have had a strong propensity to conclude that whenever there is a name, there must be a distinguishable separate entity corresponding to the name... (J S Mill A system of Logic cité Moore et Carling 1988:41)

 ...any theory or explanation...needs to take into account three distinct levels of social reality...The first encompasses the material factors which can serve as both provocations and resources for strike action ... The second involves the representation of this material situation through subjective consciousness...The third comprises the mediating activities of leaders and representatives... (Hyman 1984:188)

1 Le monde en changement

 Depuis un certain temps, les explications marxistes fondées sur les antagonismes de classe ont perdu beaucoup d'influence auprès de la population et auprès des spécialistes des études sociales.1  La faillite des sociétés en Union soviétique et en Europe de l'Est qui étaient identifiées avec ces explications du monde, et le déclin  des partis communistes de l'Europe occidentale ont versé de l'eau au moulin de ceux qui ont voulu nier l'existence des classes sociales, l'existence d'un sens à l'histoire, ou d'un 'antagonisme directeur'(Rosanvallon 1988:167) entre les groupes occupant de  fonctions différentes dans l'économie.
 Dans un même temps, la structure du marché du travail au niveau national et international a poursuivi sa transformation. Dans les sociétés développées, le travail manuel dans l'industrie est devenu minoritaire,2  et le secteur des services et des emplois 'cols blancs' a pris une part de plus en plus importante dans le revenu national. La complexité de la production moderne a créé des millions d'emplois dans la finance, la distribution, le commerce, et les services de santé et d'éducation dont a besoin l'économie moderne.
 Par ailleurs, la domination d'entreprises plus grandes, et la montée du secteur public  a donné lieu à de nouvelles hiérarchies bureaucratiques, car le contrôle du processus de travail n'est plus, en règle générale, assuré par l'employeur lui-même.
 Une masse de salariés cols blancs est donc apparue. Après les années 1960, dans tous les pays développés, ils ont été de plus en plus disposés à se syndiquer,3  et les grèves de cols blancs sont devenues beaucoup plus fréquentes.4

  La position de classe, la combativité potentielle, et la conscience politique de ces nouvelles couches ont été le sujet  d'un débat extrêmement long et complexe. Ce débat remonte à la fin du dix-neuvième siècle, lorsque les intellectuels du SPD allemand se sont divisés sur la question du rôle des cols blancs. Pour Kautsky, il s'agissait d'une couche en voie de prolétarisation rapide ; pour Bernstein, de l'éclatement de la classe ouvrière et de la conscience de classe du prolétariat.5  Les termes du débat n'ont pas beaucoup changé jusqu'à nos jours, bien que les équipes de recherche moderne aient parfois permis des enquêtes empiriques bien plus complètes que celles possibles à l'époque de Kautsky.
 Mais le débat est plus crucial aujourd'hui qu'au début du siècle, car dans toute une série de pays il y a d'ores et déjà un nombre plus grand de 'cols blancs' que de 'cols bleus'.
 Il est clair que la position de classe de ces nouvelles couches est déterminante en termes théoriques. Ce sont des couches en expansion permanente. S'il existe effectivement un antagonisme de classe inhérent au développement de la société moderne, il faut pouvoir démontrer que les cols blancs y prennent part. S'il existe un porteur potentiel d'une transformation sociale et d'une sortie humaine à la crise économique mondiale, les employés de bureau ne peuvent pas en être exclus.6
 Néanmoins, les travailleurs manuels ont été beaucoup plus populaires comme cible d' études jusqu'à très récemment. Le rapport Donovan, par exemple, (Donovan 1968) sur les grèves en Grande Bretagne, publié par le gouvernement en 1968, prend uniquement en compte les ouvriers manuels dans l'industrie.7

2 L'état de la recherche
2.1 Deux explications

 En ce qui concerne l'analyse de la position de classe des nouvelles couches, la division entre les auteurs réside encore entre ceux qui ont une analyse relationnelle de la classe sociale, basée sur les rapports de production ou de travail, et ceux qui en ont une analyse hiérarchique, basée le plus souvent sur la relation des groupes avec le marché ou sur leur culture. C'est la division "marxiste/webérien" si on utilise ces termes dans un sens très large.
 Un des avantages de l'analyse relationnelle est qu'elle offre une explication des liens entre la position de classe et l'action collective de classe.8  9  10
 

2.2 Impressionnisme et recherche scientifique

 Les études qui ont été faites sur les cols blancs sont de qualité très inégale. Certaines, basées sur des récits anecdotiques et idéalisations simplistes, ne cherchent pas à utiliser des outils statistiques ni des études empiriques.11  Comme l'a dit Bain au sujet des théories de syndicalisation des cols blancs :

 Many of the theories [of union growth] are not oriented to empirical research and are couched in such a way as to preclude any chance of verification. They are more in the tradition of social philosophy than social science...(Bain 1970:2)

 Depuis 1970, la situation dans la recherche s'est améliorée, avec les travaux d'une nouvelle génération de chercheurs, même si des œuvres de pure spéculation sont toujours aussi fréquemment publiées, et fournissent la matière première des écrits des journalistes concernant les “nouvelles classes.”12
 C'est peut être l'étude de la conscience de ces groupes qui est la moins développée. La position de classe, au moins pour les cols blancs du secteur privé, a été le sujet d'études précises, leur action collective de récits complets, mais les liens entre ces deux et la conscience collective des salarié(e)s ont été largement négligés.13

2.3 Quatre erreurs
 De plus, dans le domaine de la recherche sur les 'nouvelles couches' il existe  à mon avis un certain nombre de défauts courants qui ont entravé le développement d'une compréhension plus approfondie de la position et la conscience de ces groupes. Certains auteurs évitent l'un ou l'autre de ces défauts, mais rares sont ceux qui les évitent tous.14

2.3.1 L'oubli de la différenciation parmi les cols blancs

 Le premier défaut courant a été de ne pas présenter avec une clarté suffisante les différences et les similitudes entre les niveaux divers des cols blancs. Certains effacent toutes les différences de niveau entre des cols blancs et considèrent que tous les salariés non-manuels, du simple employé de bureau au vice-président, font partie d'une seule et même classe sociale.15  Ceci a donné lieu à des 'moyennes' statistiques extrêmement trompeuses. L'utilisation de formes d'explication sociologique telles que le 'type idéal' (ideal type)  a facilité cette erreur.
 Dans le domaine de l'étude du syndicalisme, cette confusion a été renforcée par le fait que beaucoup de cols blancs, du moins en Grande Bretagne sont organisés dans des syndicats 'verticaux' ou le même syndicat englobe des salariés des échelons différents, l'employé et son chef se retrouvant dans la même organisation. De tels syndicats, comme NALGO et MSF, sont habituellement dominés par les couches supérieures, et le syndicalisme qui en ressort peut masquer les conditions de travail et les attitudes spécifiques des couches inférieures. Carter se plaint qu'on a rarement tenté d'examiner l'organisation concrète des intérêts de classe.16

2.3.2 Modèles mathématiques insuffisants

 Le deuxième défaut ou omission a été d'approcher le sujet d'une façon trop statistique, et de chercher des phénomènes trop statiques.17
 Les  auteurs tels que Kelly (1980) Bain (1970) se consacrent à la découverte des facteurs qui déterminent le niveau de syndicalisation dans un secteur ou dans une entreprise. Examinant tour à tour des facteurs tels que le sexe de l'employé, son niveau de salaire, ses origines sociales, ils essaient de calculer ses chances de rejoindre un syndicat18.  Cette entreprise légitime,  a parfois pour effet d'effacer le fait que les changements dans le niveau de syndicalisation, ou dans la nature de l'activité syndicale soient des phénomènes enracinés dans des processus politiques et historiques. Même un acte tout simple comme celui de se syndiquer, peut avoir un sens tout à fait différent selon la conjoncture.19
 Le modèle mathématique a mené à l'approche du “unionateness”,20  (“a measure of the degree of commitment of an organisation to the principles and ideology of trade unionism” - Blackburn et Prandy dans Hyman et Price Eds 1983). Selon cette théorie, il y aurait une différence mesurable de nature entre les syndicats ouvriers et les syndicats de cols blancs.
 Le problème de cette approche est d'abord que le choix des critères de “unionateness” semble avoir été insuffisamment réfléchi, mais surtout que certains critères (tels que l'affiliation d'un syndicat au parti travailliste) n'ont pas un sens indépendant de la période historique où les événements se déroulent.
 De plus, on a souvent affaire dans l'étude des relations de travail, à des facteurs très difficiles à quantifier, tels que, par exemple, la force d'une idéologie gouvernementale comme celle du "Thatchérisme", la nature d'une direction syndicale nouvellement élue, l'effet de démoralisation dans tous les syndicats suite à la défaite d'une grève très importante (la grève des mineurs de 1984-5 par exemple), ou l'implantation de réseaux de militants syndicaux actifs. Ces éléments, de nature politique ou volontariste peuvent avoir un effet très important dans la constitution d'une ambiance de combativité ou de compromis dans un groupe d'employés. Les théories de “unionateness” ne peuvent pas intégrer de tels éléments.
 C'est à dire, par exemple, que les mêmes employés dans une situation politique où il y a peu de luttes politiques et sociales peuvent réagir différemment dix mois ou dix ans plus tard dans une autre situation politique, même si leur propre situation au travail a peu changé.
 L'approche excessivement statistique est le revers de la médaille de l'impressionnisme critiqué (ci-dessus) par Bain. Je pense qu'il est nécessaire de trouver un juste milieu entre un empirisme qui ignore les éléments difficiles à quantifier ou qui changent trop rapidement, et la "théorie" spéculative qui ne s'enracine pas dans des faits qui puissent être vérifiés.
 Quelques auteurs ont justement indiqué que l'étude des grèves et des syndicats doit rendre compte des facteurs politiques.  Oppenheimer remarqua l'importance des changements de stratégie gouvernementale :

 It is postulated here that the nature of the political contingency applying to the public services is a crucial influence upon the conduct of industrial relations (Mailly 1989:4)21

 Et Durcan (1983:3) affirme que les grèves en Grande Bretagne depuis la guerre ne peuvent pas être comprises sans une étude, nécessairement qualitative, de la situation politique.

 ...the post war strike pattern has been significantly affected by political change , especially that which involves a change in the government party...each change of party government since the war has been followed by significant and substantial changes in the British strike pattern ...

 Mais même ces auteurs n'ont pas pris en considération d'autres facteurs politiques, intérieurs au mouvement ouvrier ou résultant de défaites de ce mouvement, qui pourtant ont une très grande influence sur la disposition des salarié(e)s à se battre collectivement, ou à chercher une sortie individuelle à un problème.

2.3.3 Réification du syndicat

 Le troisième défaut courant dans l'étude des cols blancs, et d'ailleurs de l'étude du syndicalisme en général, est celle de la "réification", critiquée par Hyman.

 Trade unionism provides a good example of the way in which a purely institutional perspective can be dangerous and misleading. It is very common to meet such statements as "the union has reached an agreement with the employers"; but what precisely does this mean ? ...a trade union is not a physical entity in the same way that factories, hospitals or prisons are. So what does it mean to say that 'the union' adopts a particular policy or carries out a certain action ? This is a clear example of...reification  : treating an impersonal abstraction as a social agent.

 Dans un article journalistique, une formule telle que 'the union' peut être une abréviation utile. Mais dans l'étude sociologique, elle peut devenir dangereuse.

2.3.3.1 Identification du syndicat avec sa direction

 La forme la plus fréquente de cette réification est la tendance des auteurs à mettre un trait d'égalité entre "le syndicat" et "les instances dirigeantes du syndicat". Ceci est un énorme problème pour deux raisons. D'abord, il est fréquent que la direction syndicale prenne des décisions ou mette en pratique une politique sans l'engagement actif des membres du syndicat, et parfois même à leur insu.22
 De plus, identifier le syndicat et ses dirigeants sous-entend qu'il n'y a pas besoin de différencier les dirigeants des membres.  Mais la situation des dirigeants est bien différente de celle de leurs membres,. D'ailleurs, un nombre important des militants syndicaux considère que les dirigeants syndicaux jouent dans le conflit social un rôle indépendant des intérêts de leurs membres. (voir infra chapitre 8 et 9).

2.3.3.2 L'oubli des luttes internes

 D'autres éléments à l'intérieur du syndicat doivent aussi être analysés séparément, plutôt que cachés sous l'étiquette globale du 'syndicat'. Les tendances politiques différentes ont joué un rôle important dans les changements observés au sein des syndicats cols blancs (et dans d'autres syndicats), et il est important d'examiner de près l'influence de ces tendances pour comprendre les évolutions dans la conscience de l'ensemble des membres du syndicat. Pendant mes discussions avec les dirigeants et les militants du syndicat CPSA, j'ai remarqué qu'ils présentent  l'histoire et l'actualité du syndicat avant tout en termes du conflit entre des tendances politiques différentes, qui incarnent des stratégies syndicales différentes. Mais ces tendances sont ignorées par les sociologues qui travaillent sur les syndicats de cols blancs.
 Un des buts de ma thèse est donc d'éviter ces trois approches que je considère comme inadéquates. D'abord en choisissant un groupe homogène de cols blanc ; deuxièmement en insérant mes arguments dans le contexte historique et politique, pour ne pas en rester aux tableaux statiques ; troisièmement en distinguant les différents acteurs aussi précisément que possible, afin de ne pas omettre une variable dynamique et significative..

2.3.4  Une approche gestionnaire

 Une quatrième erreur répandue chez les auteurs est l'approche “gestionnaire”. Les auteurs qui ont étudié les cols blancs, et les relations de travail en général,  ont souvent adopté une vision de gestionnaire, voulant aboutir à une théorisation qui aide à limiter les grèves et à renforcer le statut quo. Les "règles du jeu" de l'organisation du travail sont acceptées par ces théoriciens comme étant naturelles. Le sujet d'étude devient la “job regulation”.23  Ce sont des sociologues radicaux comme Hyman qui ont souligné qu'il faut étudier l'origine de ces "règles du jeu", et pas seulement leur application.24

3 Consensus des sociologues

 La plupart des études effectuées sur les raisons de la syndicalisation des cols blancs, sur  les transformations des consciences occasionnées par ces changements, et le sens des nouvelles vagues de grèves parmi les cols blancs ont considéré que les syndicats de cols blancs étaient de nature différente de ceux des travailleurs manuels. (Carter 1985:5) Les grèves des cols blancs montreraient également des limites de leur conscience qui les empêcherait à coup sûr de construire une unité avec les travailleurs manuels, ou d'adhérer à un projet de transformation sociale.25
 J'ai voulu dans ma thèse tester cette hypothèse sur un groupe spécifique des employés de bureau.

4 Pourquoi choisir ce groupe de salariés ?

 J'ai choisi les fonctionnaires des échelons inférieurs de la fonction publique en Grande Bretagne, syndiqué(e)s au sein du Civil and Public Services Association (CPSA).

4.1 Homogénéité

 D'abord j'ai voulu choisir un groupe relativement homogène, pour éviter de mélanger dans une même analyse des salariés de positions très différentes. Le CPSA ne compte que des employés sans responsabilité d'encadrement, et sans formation technique avancée.
  De nombreux travaux ont été réalisés sur des sections des cols blancs qui sont considérées comme étant une 'classe moyenne' ou, pour certains marxistes 'dans des positions de classe contradictoires'. Ces cols blancs de rang supérieur ont été l'objet de nombreuses études26,  et les conclusions ont souvent été traitées comme si elles pouvaient être appliquées à tous les cols blancs sans aucune distinction.

4.2 L'importance des employés du secteur public

 Deuxièmement, j'ai choisi des employés du secteur public.  Le secteur public est absent de la plupart des œuvres théoriques, et des projets de recherche.27  Même en 1992, Beaumont le regrettait :

 There is relatively little uniquely public sector based research...so that one is essentially in the position of having to identify certain individual issues and themes as being worthy of future research. (1992:115)

 Il s'agit pourtant du plus grand employeur du pays. Comment expliquer cette omission majeure ?
 Je pense que le manque d'un consensus théorique sur le rôle de l'Etat en tant qu'employeur et la relation entre l'économie de marché et les activités de l'Etat a fait que bon nombre d'auteurs ont préféré omettre le secteur public dans son ensemble plutôt qu'affronter les complexités théoriques qu'il pose. (voir infra chapitre 8) Selon John Kelly, professeur de Industrial Relations au London School of Economics, le travail sur le secteur public est “theoretically under-informed” (interview avec l'auteur novembre 1991).
 Bain, par exemple (1970), se concentre sur les syndicats des cols blancs dans l'industrie manufacturière, sans  véritable justification de son choix, étant donné l'importance numérique, même en  1970, des cols blancs syndiqués du secteur public.
 Certains auteurs ont étudié des points précis de la situation des salariés du secteur public, tels  que les salaires,28  et les ont traité en détail, mais les études générales sont très rares. Les études de conflit social dans le secteur public sont également rares.29

4.3 Employées, employés.

 Troisièmement, les employés du CPSA sont, à 70 %, des femmes, groupe qui a attiré peu l'attention des chercheurs. Le fait que ce soient des femmes est important aussi dans la mesure où certains auteurs ont cru que le nouveau salariat féminin comportait des intérêts et des formes de conscience propres30   - une théorie que j'espère pouvoir tester.
 Néanmoins, la plus grande partie de la thèse examinerait les employé(e)s tous confondu(e)s, sans différenciation entre les hommes et les femmes. Cette approche est due à mon opinion que les similitudes entre employé et employée sont, dans le domaine des relations du travail et de la conscience au travail, beaucoup plus importantes que les différences. Cette opinion est quelque peu controversée. C'est pourquoi, dans le chapitre 11 j'évaluerai en détail les autres approches possibles.

4.4 Professions 'non-productives'

  Quatrièmement, ce groupe se trouve confronté à des éléments qui pourrait agir comme frein à toute conscience combative. On considère souvent que les fonctionnaires ont peu de raison de faire grève car toute grève risquerait d'économiser de l'argent à l'employeur, plutôt que de lui en coûter. (Hyman 1984:135) Il est sûr que mis à part certains ministères exceptionnels tels que le ministère des impôts, c'est le public qui souffre d'une grève plus directement que le gouvernement. Cette constatation est une des raisons qui ont été données pour considérer qu'un combat quelconque ne pouvait pas prendre la forme d'une lutte de classe pour ces groupes d'employé(e)s.31  Le choix de ce corps permet d'affronter les problèmes d'analyses de conflit social dans les domaines où la grève n'interrompt pas une production de biens marchands, ni donc directement une accumulation de capital.

4.5 Un groupe éloigné de la communauté ouvrière "classique".

 Cinquièmement, les fonctionnaires ne travaillent pas dans de grandes unités qui ressemblent aux usines manufacturières. Les employés du DHSS, par exemple, travaillent dans des centres où il y a en moyenne une centaine d'employés. Or, selon toutes les études, la fréquence des grèves, est associée avant tout avec la concentration des employés sur le même lieu de travail.
 L'étude des fonctionnaires me donne donc la possibilité de voir si ce fait a empêché le développement d'actions et de consciences collectives.
 Une fréquence élevée de grèves est également associée avec des communautés relativement fermées telles que les dockers et les mineurs de l'après-guerre. Les fonctionnaires du CPSA ne semblent pas constituer une telle communauté, et s'il y a eu développement des solidarités, cela a dû être sur la base d'autres relations que les relations communales des syndicats ouvriers du type 'classique'.

4.6 Une expérience politique originale - une direction "trotskyste"

 Une raison supplémentaire pour avoir choisi le syndicat CPSA est l'influence qu'ont pu gagner en son sein des organisations de l'extrême gauche, avant tout la tendance Militant. Le CPSA est devenu le premier syndicat anglais à avoir élu une direction "trotskyste", en 1987. A l'étude, il devient vite clair que cet événement ne représente ni une manipulation de quelques démagogues, ni la preuve d'une conscience révolutionnaire généralisée dans ce syndicat. Il sera intéressant d'examiner quel est donc le sens exact de cette influence et quelles conclusions on peut en tirer pour comprendre la conscience de classe des fonctionnaires des échelons inférieurs.

4.7 Importance  de la thèse

 J'utiliserai donc ce groupe de salariés afin de tester différentes théories : avant tout des théories de prolétarisation des couches inférieures de cols blancs. Si parmi les employés de bureau de la fonction publique, mal rémunérés et sans responsabilité dans leur travail, il n'y avait pas, comme l'a prétendu Kelly (1980)32  des formes de conscience de classe, ce serait à mon avis un point d'appui très fort pour les théoriciens qui rejettent une analyse de classe de la société moderne, et qui se tournent vers d'autres théories, de société post-industrielle ou post-capitaliste.33
 Mon but est donc d'examiner ce corps d'employés et en particulier leur participation à des actions collectives comme les conflits face à leur employeur, pour pouvoir juger la nature de la position de classe de ces personnes, leur conscience et ses limites éventuelles.

5 Les grèves au centre de l'étude

 J'ai décidé de mettre les grèves de ce groupe au centre de mon étude, plutôt que les structures du syndicat, les discours, ou les opinions des dirigeant(e)s du syndicat.34

5.1 Engagement nécessaire

 L'importance des grèves ne vient pas de leurs effets sur la production. La maladie et l'absentéisme font perdre beaucoup plus de journées de travail que les grèves.35  Elle se trouve plutôt dans la rupture avec l'idéologie dominante de la part du salarié. Son  refus des relations normales de travail, une remise en cause du droit de l'employeur à décider des rythmes, de la rémunération ou des conditions de travail. La grève implique un engagement de la part du salarié qui bouleverse la routine de sa vie, et qui lui offre d'autres explications de sa vie au travail que celles qui sont couramment acceptées.
 Une grève représente donc un engagement beaucoup plus concret  qu'une simple 'opinion'. L'étude des grèves et d'autres actions collectives a donc un avantage sur des études de conscience qui ne sont basées que sur des sondages ou sur d'autres mesures d'activité. Signer une pétition, voter aux élections syndicales ou professionnelles, assister à une réunion syndicale n'implique pas autant de détermination qu'une grève. Et la perte du salaire occasionnée par une grève est aussi un élément important.
 

5.2 Evénements concrets
  L'avantage de l'étude d'une grève est qu'il s'agit d'un événement réel. Bien sûr, toute analyse d'une grève comprendrait une certaine "grille de lecture" dans les significations qu'on donne aux décisions et aux agissements des acteurs. Néanmoins, il y a là une matière première relativement définie, préférable à l'étude des caractéristiques culturelles ou psychologiques, qui ont parfois fait sombrer  l'étude des cols blancs dans une vision abstraite peu productive.36
 La période de conflit a, d'ailleurs, selon beaucoup de syndicalistes et de sociologues, un rôle important dans la transformation de la conscience des salarié(e)s grévistes, et l'étude des grèves permet donc à la fois d'examiner la conscience 'normale' des employé(e)s (en temps de paix sociale) et leur conscience potentielle (lors des périodes de lutte).
 Car dans les grèves, comme l'ont remarqué plusieurs auteurs, les tensions souterraines de la situation de travail éclatent à la lumière du jour.
 Il y a eu d'autres études faites sur les grèves des cols blancs, ou des fonctionnaires. Elles font souvent apparaître une rupture entre les observations empiriques, sans théorisation développée37,  et les théories esquissées sans base empirique suffisante38.    Je veux tenter de combiner les deux éléments : étude empirique et analyse théorique.

6 Précisions du champ d'étude.

 Mon étude porte sur tous les fonctionnaires membres du CPSA, mais puisque j'ai voulu pouvoir rentrer dans les détails des conditions de travail, des conflits sociaux et des évolutions dans la conscience, j'ai choisi pour certains chapitres de me concentrer sur un seul ministère : le Department of Health and Social Security, la section de l'administration qui s'occupe des allocations chômage, de maladie, d'invalidité etc.., devenu plus tard deux ministères séparés (Health et Social Security) et puis plusieurs "agencies". Il s'agit du ministère le plus grand. Il s'agit également d'une administration  où les conditions de travail sont parmi les plus difficiles, surtout dans les grandes villes,  et un ministère parmi ceux qui ont compté le plus grand nombre de grèves. Néanmoins, je ne pense pas qu'il présente une différence de nature avec l'ensemble de la fonction publique, et je soulignerai ses quelques spécificités au cours de la thèse.
 J'ai choisi comme période les années 1980, mais il s'agit plus précisément de la période 1979-1992 - commençant en 1979 avec l'élection du gouvernement Thatcher et finissant en avril 1992, avec l'élection d'un quatrième gouvernement conservateur sous la direction de M. Major, un an après la division de la fonction publique en plusieurs "commissions" autonomes, les "agencies".

7 Structure de la thèse
 La nature multiforme de l'action collective fait qu'il n'y a pas de structure satisfaisante pour une telle thèse. On peut difficilement éviter de disséquer la réalité de manière quelque peu arbitraire. J'ai choisi la structure suivante.
 Dans le chapitre 2, je présente un profil bref des employés du CPSA, des organisations et des instances qu'il faut connaître pour suivre l'argumentaire de la thèse. Suit une présentation des sources différentes que j'ai utilisées, et un rappel qu'il ne s'agit pas uniquement de sources d'information mais aussi d'outils qu'utilisent les acteurs différents - direction syndicale, Etat, patronat et forces d'opposition - pour intervenir dans le champ social pour défendre leurs intérêts et leurs idéologies.
 Dans le chapitre 3, je passe à une présentation du contexte historique du syndicalisme des fonctionnaires britanniques39  et du contexte juridique et politique du syndicat sous le gouvernement Thatcher-Major . Dans la partie historique, j'essaie de savoir à quel point les actions collectives pendant les dernières vingt années dans la fonction publique représentent une rupture avec le passé, et d'établir dans quelle mesure elles représentent une continuité. Dans la partie sur le gouvernement conservateur, je tente de couvrir les intentions politiques du gouvernement à l'égard de ses employés, en faisant ressortir les similitudes et les différences par rapport à l'attitude gouvernementale envers les syndicats du privé.
 Le chapitre 4 traite des conditions de travail dans le Department of Health and Social Security. Il couvre les conditions d'emploi (salaires, horaires), le processus de travail (supervision, contrôle) et la carrière des employés (promotion). J'essaie d'étudier à quel point les employés sont dominés dans le processus de travail.40
 Le chapitre 5 traite des actions collectives (grèves, collectes, refus collectif d'heures supplémentaires, grèves de zèle etc) dans le Department of Health and Social Security. Les conflits différents sont classés par revendication, et la fréquence et la taille des grèves sont aussi traitées. Je tente de confronter les théories différentes  sur des limitations des actions collectives entreprises par des cols blancs, à la réalité de ces actions. J'en tirerai quelques conclusions sur la conscience de classe de ces employés.
  Le chapitre 6 sera une approche théorique. J'essaierai de montrer qu'il n'y a pas d'obstacle théorique à ce que les conflits dans la fonction publique, et les conditions de travail  soient considérées comme des conflits et des conditions de classe. Dans ce but, je critique les auteurs qui ont exclu les cols blancs de leur définition de la classe ouvrière, et j'esquisse une théorie de la position de classe des employés de l'Etat, question qui a été largement ignorée par les chercheurs précédents.
 Une analyse de la conscience de classe de ces employés constituera le sujet du chapitre 7. Les différents types de conscience de classe, et leurs lieux d'expression dans le syndicat, seront expliqués.41  Je tenterai d'énumérer les influences majeures sur la conscience collective des employé(e)s.42
 Je présenterai une théorie de la conscience de classe que je pense plus nuancée que la plupart des théories émises à ce sujet. Cette théorie  comprendrait des réflexions sur la dynamique d'une conscience en changement.
 Le chapitre 8 laissera de côté les fonctionnaires britanniques pour présenter un résumé d'un développement marxiste de la théorie du rôle de la direction syndicale, vue comme une force d'intégration de la revendication des salariés dans un système de contrôle social.43
 Cette théorie a été développée avant tout par rapport aux syndicats ouvriers. Dans le chapitre  9 je l'appliquerai au CPSA, dessinant une analyse du rôle de la bureaucratie syndicale des nouveaux syndicats de cols blancs.
 Les intérêts de l'employeur, de la direction syndicale et de la base du syndicat sont tous représentés dans le combat politique à l'intérieur du syndicat. Mais c'est un sujet qui n'a quasiment pas attiré l'attention des sociologues44 . Dans le chapitre 10, j'expliquerai pourquoi à mon avis, une compréhension de la lutte des tendances politiques dans le syndicat est essentielle, et je décrirai les tendances du CPSA en essayant de faire ressortir le sens du combat politique en tant que reflet des processus de formation et de  frein  de la conscience de classe.

 La grande majorité des membres du CPSA sont des femmes. Certains auteurs, souvent féministes ou proche du féminisme ont prétendu que les analyses marxistes habituellement appliquées aux travailleurs hommes étaient au moins en partie inapplicables aux salariées femmes à cause des spécificités de leur conscience face au travail ou leurs méthodes particulières de combat collectif, ou parce que les divisions d'intérêt entre salariés hommes et salariées femmes étaient plus importantes, ou aussi importantes que les divisions entre employeur et employé(e)s.45  Dans le chapitre 11, je présente des données sur la discrimination contre les femmes, et sur la participation des femmes au sein du CPSA, et de la fonction publique, et je tente de voir si ces données confirment ou infirment les théories 'féministes' ou 'socialistes-féministes'.
 Le chapitre 12, la conclusion, résume ce que j'ai pu découvrir. J'essaie de voir à quel point les employés que j'ai étudiés sont "typiques", pour juger du poids de mes conclusions théoriques. Enfin, j'énumère les leçons que j'ai tiré de ma recherche, et les champs d'étude que je pense profitables aux chercheurs qui travailleront dans ce domaine à l'avenir.

1. Les changements dans la stratégie électorale du parti travailliste britannique ont été accompagnés de grands débats sur l'actualité de la lutte de classes, une section non-négligeable de la direction travailliste considérant que les défaites électorales des travaillistes étaient dues à une distanciation insuffisamment marquée du parti vis à vis des idéologies d'antagonisme de classes.

2. Au niveau mondial, le nombre de travailleurs manuels a augmenté constamment, à cause du déclin de la paysannerie dans tous les pays, et l'industrialisation des pays sous-développés tels que la Corée du Sud, la Chine, le Brésil, l'Argentine...

3. En 1978 il y avait deux millions de cols blancs syndiqués de plus en Grande Bretagne qu'en 1969, une croissance de plus de soixante pour cent. (Hyman & Price 1983:155)

4. La situation des cols blancs dans la crise économique des années 80 a été le sujet de maintes études et commentaires. Le chômage dans tous les secteurs des cols blancs a atteint des niveaux qu'ils n'avaient jamais connus dans les années 30. A titre d'exemple, le chômage chez les cols blancs a été largement cité comme une des causes de l'échec électoral de George Bush à la fin de 1992. (TF1 Informations 21/8/92) En Grande Bretagne à la fin de 1992, des milliers de licenciements économiques sont intervenus dans le secteur bancaire et d'assurances, 6 000 dans la seule société Barclays. (BBC 4 28/11/92)

5. Pour un résumé de ce débat voir Carter 1985:14 et ss.

6. Voir Oppenheimer 1985:2 et ss pour une bonne présentation des enjeux de ce débat. Il affirme "In today's world, the search for an agency of change has become the critical issue for the entire Left."

7. Les oeuvres de l'Oxford School (Flanders et d'autres) par exemple, se sont centrées sur les travailleurs manuels. Poole (1984) en donne un résumé complet. Batstone et alii (1978) qui examinent les processus sociaux des grèves se limitent également à l'industrie manufacturière.

8. Il paraît que la division des théories en 'marxistes' et 'wéberiennes' au sens le plus large n'est pas purement une division universitaire. Lockwood (in Bulmer Ed 1975) montre que les gens 'dans la rue' en général ont un concept de la classe sociale qui correspond ou bien à un pouvoir d'un groupe sur une autre, ou bien à un concept de prestige : la division universitaire semble donc suivre des courants populaires.

9. Parmi les auteurs sur la question des cols blancs, les oeuvres de Lockwood 1958 , Lumley 1973 et Prandy représentent l'approche wéberienne. Crompton et alii (1977;1984) représentent la tradition marxiste, ainsi que Carter 1985, Callinicos & Harman 1987.

10. Weber lui-même n'a jamais essayé d'appliquer sa conceptualisation des classes sociales à des échantillons représentatifs de sociétés réelles. Marshall et alii 1988 l'ont essayé, avec une classification de classes venant de Lockwood, d'inspiration néo-wéberienne. Mais je ne partage pas leur conception de la conscience de classe (qui comprend un soutien pour le parti travailliste, une foi dans la nationalisation et le keynèsianisme).

11. Les deux grandes exceptions pour la question de la structure de classe dans son ensemble sont Olin Wright 1985 - qui développe une nouvelle théorie de la structure de classe, et essaie de la tester sur deux échantillons de population , aux Etats-Unis et en Suède, et Marshall et alii 1988 qui essaie d'appliquer la théorie de Olin Wright, et celle de Goldthorpe, à la population britannique.

12. Régulièrement, les magazines de grand tirage produisent des "études" sur la "nouvelle classe" et invente des étiquettes ("Yuppies" "the new collar class"...) pour alimenter leur traitement des statistiques et des sondages. Ces reportages sont d'une qualité très inégale, mais le plus souvent ont peu de base empirique. US News & World Report du 16/9/85 fournit un exemple typique. L'événement du Jeudi du 27 août 1992 donne un exemple français. La "petite bourgeoisie" serait devenue, selon cet article majoritaire en France, "renvoyant le prolétaire dans les marges". Elle serait responsable, entre autres choses, du développement de la démocratie, de la chute du mur de Berlin, et serait le grand espoir pour en finir avec le racisme, par son idéologie d'égalité de chances. En même temps, les "classes moyennes" seraient mécontentes. "L'individualisme forcené a fait son oeuvre. Les classes moyennes sont ... plus désespérées, mais séparées les unes des autres, isolées."

13. Plusieurs auteurs ont considéré qu'une explication de la conscience des salarié(e)s est une entreprise trop ambitieuse. "No easy equation (can) then reasonably be expected between social position, social imagery and trade unionism " écrit Bain (cité Crompton in Hyman et Price Eds 1983:236).

14. Je ne suis pas le seul à être insatisfait du travail fait sur ce sujet. Batstone (1974) va jusqu'à affirmer : "Sociologists do not have much to be proud of when it comes to the study of industrial relations"

15. Un exemple extrême est le journal conservateur, le Daily Mail du 24/4/81, lors des grèves de fonctionnaires. Il rappelait au public le nombre de pairies accordées aux fonctionnaires, comme si ces honneurs étaient disponibles à tous les fonctionnaires. ("their privileges ... their inflation proof pensions and above all their inordinate access to honours.)" Russell-Smith 1974 fournit un exemple similaire.

16. Carter 1985:6.

17. Les exceptions comprennent Durcan 1983, qui fait une analyse historique, et Batstone et alii 1978 qui fait une analyse socio- psychologique des processus de grève. Les récits de grève individuels ont aussi souvent dépassé le niveau d'analyse des études d'approche excessivement mathématique. (voir Bibliographie). Ma critique des approches excessivement mathématiques vient en partie de Hyman et Price 1983:153)

18. Bain dans ses oeuvres suivantes essaie de rajouter une analyse des changements dans la situation économique de l'employé(e) susceptible de se syndiquer. (Bain & Price 1972:366-81)

19. Dans leur étude de la CFDT, Dominique Labbé et Maurice Croisat (1992) analysent bien ce fait : ils définissent des générations de syndiqués qui ont rejoint le syndicat dans une période particulière, et ils trouvent que leurs motivations se ressemblent à l'intérieur d'une "génération". Ce sont les grands changements politiques tels que 1968 et l'union de la gauche qui semble les influencer.

20. Cette approche est présentée dans Blackburn et Prandy 1965, réédit dans Hyman et Price Eds 1983. Elle a eu beaucoup d'influence, car la similitude ou non des syndicats ouvriers et des syndicats de cols blancs a été un sujet qui a provoqué beaucoup d'intérêt. L'approche a été critiquée en détail par Bain et Ellis, aussi dans Hyman et Price Eds 1983. Beaumont (1992:51) essaie d'évaluer la capacité de cette théorie à expliquer les évolutions des années 80.

21. Voir aussi Hain 1986:9 : "A major theme of the book is that the nature of strikes is determined by the political climate and not simply by the rôle of unions and employers."

22. Certains auteurs sont conscients de cette simplification, mais la revendiquent quand même. Undy et alii 1981:2 : "We are assuming that a union can be discussed as a simple entity...when we speak of the union pursuing this or that strategy, we shall be concerned with the existing 'leadership' of that particular union."

23. Une version de cette théorie est celle de Elton Mayo et ses collègues. La grève serait due à un manque de communication entre employé(e)s et employeur - la norme étant l'harmonie au travail. Dans cette conception, effectivement, les processus de contrôle social et de répression d'opposition sont passés sous silence. Un exemple extrême est fourni par Brown 1954, mais il y en a de nombreux autres.

24. Ainsi Hyman écrit "It would seem odd to read an academic discussion which noted that as well as the lockout, conflict with the employee cantake the form of plant closure, sackings, victimization, speedup , safety hazards, arbitrary discipline and so on. The routine practices of employers do not count as 'industrial conflict' ; they are part of the normal, repressive reality of work. (Hyman 1984:184)" Cronin 1979 est un autre contre-exemple : il part du point de vue que la grève est une forme de réponse créative face à l'oppression.

25. Les auteurs avec le plus d'influence sur ce point sont Lockwood 1958, Lumley 1973, et Prandy et alii 1983. Tous ont trouvé des différences de nature entre la conscience des cols blancs et la conscience ouvrière. Kelly 1980 applique les mêmes idées aux fonctionnaires britanniques. Hyman (1975,1984) et Crompton (et alii 1977,1984 et d'autres) ont été les défenseurs principaux, parmi les sociologues, d'une théorie de la prolétarisation des cols blancs. Bain 1970 est agnostique sur ce point. Il examine un grand nombre de facteurs d'explication possible pour l'augmentation du taux de syndicalisation et en conclut que quasiment tous n'ont aucun effet, sauf la bureaucratisation du contrôle de travail, et la taille du lieu de travail.

26. La meilleure étude marxiste est celle de Carter 1985. Carter résume d'ailleurs les arguments d'un très grand nombre d'auteurs sur les cols blancs.

27. Crompton (in Hyman & Price Eds 1983:181) se plaint que "One crucial aspect of this analysis, but which has been largely ignored so far, is the split between the public and private sectors in the content and significance of union behaviour. More than 2 in 3 British white collar union members are employed in the public sector;" Watson 1988, sur les dirigeants, syndicaux est très utile car son échantillon comporte des dirigeants du secteur public aussi bien que ceux du secteur privé. Crompton & Gubbay 1977 est une oeuvre très utile, surtout pour le chapitre 5 Economy and Class Structure in the West qui traite entre autres de la position des employés de l'Etat.

28. Saran et Sheldrake (Eds) 1988, Elliott et Fallick 1981 et Gretton et Harrison 1982 ont traité les salaires dans le secteur public. Ces derniers avant tout du point de vue de l'employeur. Fredman et Morris 1989 ont traité en grand détail le cadre juridique de l'emploi dans le secteur public. Dunsire et Hood 1989 ont traité la gestion des réductions budgétaires dans le secteur public.

29. Arthurs 1985 traite dans un article le conflit social dans la fonction publique, sans entrer dans une théorisation. En revanche, des études détaillées de la conscience des employés du public font défaut, même si la brochure de Fairbrother 1982 est utile comme point de départ.

30. Ressner 1987; Kergoat et alii 1984;1990; Cockburn 1987...

31. Touraine écrivit (Touraine, Wieviorka, Dubet 1984:50) : "Que des instituteurs ou des cadres aient une activité syndicale, on le comprend sans difficulté. Qu'ils puissent participer directement au mouvement ouvrier semble impossible" niant ainsi l'existence d'une classe ouvrière élargie aux nouvelles couches, même celles (instituteurs) en bas de l'échelle.

32. Michael Kelly va être un des protagonistes principaux de ma thèse, puisque son travail de 1980 visait spécifiquement à démontrer que les fonctionnaires n'avaient pas de conscience de classe. Ses oeuvres dotées d'une base empirique plus spécifique (1983;1984) me paraissent d'une qualité bien supérieure à son travail théorique de 1980 : c'est ainsi que je vais utiliser des citations de Kelly 1983 ou 1984 pour argumenter contre les conclusions de Kelly 1980

33. Les auteurs qui contribuèrent à la revue Marxism Today - Eric Hobsbawm, David Leadbeter, Beatrix Campbell, Martin Jacques ont été les plus connus des intervenants politiques qui ont défendu ces théories, mais dans les articles du Guardian et du New Statesman ces idées ont été monnaie courante.

34. Les oeuvres indispensables sont Durcan 1983, une étude académique de toutes les grèves d'après guerre. Hain 1986 traite des grèves politiques. Cronin 1979 fait une étude d'ensemble des grèves en Grande Bretagne d'un point de vue plus sympathique à l'égard des grévistes.

35. "A vaccine against flu would probably save more than the most draconian anti-strike laws". (Hyman 1984:36)

36. Wright Mills est peut-être le plus sujet à ces excès. Toute une partie de sa thèse dépend d'études de personnages cols blancs dans des romans populaires! (Wright Mills 1951:198 et ss)

37. M Kelly 1983; M Kelly et alii 1984; Lloyd & Blackwell 1985; Ingham 1985. Tous font des récits de grève intéressants avec quelques commentaires utiles, mais il n'y a aucune tentative de relier les événements avec une théorie de la structure de classe et la position des cols blancs et des fonctionnaires.

38. Crompton & Jones 1984 est un peu l'exception, dans laquelle une étude empirique des conditions de travail est intégrée à une théorie de prolétarisation.

39. Les histoires officielles de trois syndicats de la fonction publique - Wigham 1981, Edwards 1975 et Brown 1983 seront les sources les plus importantes. Sheldrake 1978, Walker 1961, Harrison 1975 et Parris 1973 sont de bonnes sources extérieures au syndicat.

40. Craig 1991 fait une étude très détaillée des conditions de travail pour les employé(e)s de bureau dans le but d'encourager les employé(e)s à entreprendre des actions revendicatives. Walker (1961) étudie les conditions de travail dans le DHSS de l'époque. Autrement, les sources principales sont les interviews, la presse syndicale et la presse de l'employeur.

41. Presque tous les auteurs qui ont écrit sur les cols blancs ont fait mention de leur conscience de statut ou de classe. En règle générale, malheureusement, ils ont attribué un seul type de conscience à tous les cols blancs de quelque niveau qu'ils soient. Olin Wright 1985 et Marshall et alii 1988 font, à mon avis, la meilleure tentative d'éviter ce piège. Mon étude de la conscience de classe des membres du CPSA sera basée sur mes études des congrès, des sondages, et des actions collectives de ces syndiqué(e)s.

42. J'y comprendrai un résumé du rôle de la presse populaire, sujet ignoré par la plupart des auteurs sur la conscience des cols blancs - une omission d'autant plus regrettable qu'il y a une intervention massive de la presse populaire lors des grèves et lors des élections syndicales.

43. Undy et alii 1981 annonce au moins qu'ils ne vont pas traiter ce sujet. La plupart des autres n'en font pas mention, exception faite des oeuvres spécialisées sur ce sujet : Allen 1957; Heery & Kelly 1988,1992; et Watson 1988. Cliff & Gluckstein 1986 traite de la grève générale de 1926 dans le but de faire ressortir le rôle de la bureaucratie syndicale. Hyman présente un résumé de sa propre caractérisation de la direction syndicale dans Hyman 1972:75-77.

44. Kelly (1980) l'ignore; Undy et alii 1981 aussi - et ils ne sont pas des exceptions. Mailly 1989 y fait une ou deux références. Par contre, la quasi-totalité des sources venant de l'intérieur du syndicat (Wigham 1981, Tierney 1982, et toute la presse du syndicat) y consacre beaucoup d'espace. Par ailleurs, Edelstein et Warner 1979 comparent les processus d'opposition dans les syndicats britanniques et américains, mais, ayant un champ d'étude très large, ils ont des difficultés pour rentrer dans le détail.

45. Je les ai listées ci-dessus : Ressner 1987; Kergoat et alii 1984,1990; Cockburn 1987; Coote & Kellner 1981. La thèse marxiste qui s'oppose aux conclusions de ces auteurs peut être trouvées dans Kollontai 1978, ou pour la période actuelle dans German 1989.

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