BILLET mai 2009
Pour poursuivre le billet d'avril sur "mes années" et puisque j'ai désormais (le 8 mai) atteint le demi-siècle, j'aimerais revenir sur quelques décennies d'écoute assidue du rock'n'roll. Lorsque j'étais adolescent, en dehors des longues journées passées dans les magasins d'importation de disques américains (Music Action près de l'Odéon!), les fans de rock dans mon genre avaient plusieurs activités d'éveil : l'écoute de disques - de préférence bien sûr en pressage US et sur une chaine Hi-Fi -, les concerts (se bousiller les tympans avec les Who), la formation d'un "groupe", mais aussi quelques petits jeux destinés à entretenir la mémoire rock. Premier jeu, le blind test, en général sur les amorces de morceaux, avec plusieurs niveaux de difficultés. Niveau 1 pour les Beatles (quoique certains morceaux sont difficiles à identifier du premier coup) niveau 3 à 4 pour Colosseum (au hasard du psychédélisme anglais), niveau 5 pour The Fifth Avenue Band. Second jeu, énoncer les dix disques à garder sur une île déserte, à condition que cette île soit pourvue de l'électricité...
En mai 2009, voici les dix disques - en format mp3 ? non! avec les pochettes vinyl originales et une platine de préférence ! - que je garderai pour passer une retraite heureuse sous les cocotiers, sans se lasser le moins du monde. J'ai fait ce choix très subjectif sans trop réfléchir et je me suis arrêté en fait en...1992. Curieusement, rien ne m'est venu spontanément à l'esprit dans les années 1990/2000, même si le rock est encore resté très créatif (plus le temps d'écouter, d'évoluer?). Evidemment, il y a plein de disques oubliés, sacrifiés: c'est la loi du genre.
Disque 1 : Beatles, Revolver (1967). Premier disque rock écouté en boucle sur un électrophone et tout particulièrement la chanson Got to Get You into My Life. Une chance. Mes parents n'avaient pas beaucoup de disques pop et préféraient la chanson à textes (Béart, Brel, Brassens, Barbara, Ferrat), mais leur discothèque contenait malgré tout Revolver, un Joan Baez (disque Vanguard made in the USA) et quelques 45 tours insolites (deux Kinks!). Bref, Revolver est mon LP préféré des Beatles et le début d'une longue histoire intellectuelle avec ce groupe mythique et inépuisable !
Disque 2 : Rolling Stones, Let it Bleed (1969). Etes-vous Beatles ou Stones ? Incontestablement Beatles car j'aime les belles mélodies pop. J'ai découvert la discographie des Stones au début des années 70 avec Exile on main Street puis It's only rock'n'roll. Le départ de Mick Taylor et l'arrivée de Ron Wood m'ont définitivement fâché avec le groupe mais j'ai redécouvert alors toute leur fabuleuse production des sixties. Let it Bleed - tout comme Beggars Banquet - est un album d'une densité et d'une violence rarement égalée dans le rock.
Disque 3 : John lennon & Plastic Ono Band (1970). Je suis un fan quasi inconditionnel de John Lennon, même si le personnage n'était pas toujours très sympathique. Son premier disque solo, très épuré (la batterie lourde et basique de Ringo, la basse de l'artiste Klaus Voormann) sinon minimaliste (l'influence de Yoko?) est une sorte de cri primal et de bouée de sauvetage après la séparation des Beatles. C'est magnifique, à l'image d'une pochette pointilliste : Mother, Working class heroe, Remember, Isolation, God...
God is a concept
By which we mesure our pain
Disque 4 : Leonard Cohen, Songs for Love and Hate (1970). La découverte du poète canadien au début des années 70 m'a incontestablement poussé à jouer de la guitare. J'ai appris consciencieusement tous ses morceaux et arpèges, afin de dépasser un peu le Suzanne des feux de camp (Graeme Allwright). A dire vrai, les paroles étaient un peu hermétiques, tout comme celles de Dylan, mais quelle voix splendide. Le très sombre Songs for Love and Hate reste mon préféré et je pense que Jean-Louis Murat serait d'accord avec moi !
Disque 5 : David Bowie, Hunky Dory (1972) Bowie ! Quel choc dans l'Angleterre du début des seventies que ce personnage de Ziggie ! Et Life on Mars No 1 du Top of the pops ! La discographie de Bowie est inégale (comme celle de Lou Reed, tiens j'aurais pu sélectionner le magnifique Berlin), mais ses opus des années 1970-1974 sont devenus des classiques du rock. Hunky Dory est un album intemporel, avec très peu de déchet (une chanson un peu plus faible, peut-être) et des sommets d'art pop, comme cette chanson dédiée à Andy Warhol, la muse de tous ces arty-rockers glam-décadents.
Disque 6 : Traffic, When the Eagle Flies (1974). A dire vrai, je suis membre d'un seul fan club et c'est celui de Traffic, groupe britannique d'abord psychédélique puis de fusion rock/folk/jazz autour du petit génie Steve Winwood (le seul rescapé aujourd'hui, avec David Mason). Choisir un disque de Traffic relève pour moi de l'exploit, mais sentimentalement, c'est le dernier album avant leur disparition (le groupe se reformera toutefois dans les années 1990, avec une tournée en 1994): à écouter notamment le sublime Love.
Disque 7 : Bob Dylan, Blood on the Track (1975). Il y a à prendre et à laisser dans la discographie de Robert Zimmermann mais très peu à jeter entre 1963 et 1975. Dès la première écoute de Blood on the Tracks, j'ai pressenti le chef d'oeuvre "absolu". Régulièrement, je joue presque tout le disque à la guitare, avec une préférence pour You're a Big Girl Now. Dylan est l'un des grands artistes du XXème siècle et il est un pan de l'histoire américaine du XXème siècle (Grail Marcus).
Time is like a jet plane/It moves too fast
Disque 8 : The Cure, Pornography (1982). Entre 1976 et 1981, je suis passé tout à fait à côté du punk, pas ma tasse de thé ou trop vieux (?), même si j'aimais bien The Clash et Talking Heads. La trilogie Seventeen seconds/Faith/Pornography demeure un sommet de ce qu'on a appelé la cold ou new wave (vite noyée dans les synthétiseurs et la disco pop, à l'exception peut-être de Depeche Mode et New Order), mais ce sont surtout des albums magnifiques. En concert, ce n'était pas mal non plus (Olympia 1982 surtout, puis Zénith 1984)...
Disque 9 : Neil Young, Harvest Moon (1992). La découverte de Neil Young s'est faite comme beaucoup à travers Harvest (1972), très gros succès en France et album quasi générationnel, post-hippie. Il y avait aussi CSNY à Woodstock (le film). Neil Young a fait beaucoup de disques, de niveau inégal. Tous ceux des années 70 auraient pu être choisis, surtout On the Beach (1974) ou le très country Comes a Time (1978). J'ai préféré finalement un disque de renouveau créatif, après une période chaotique, où s'expriment bien tous les talents du Loner (et de ses splendides Martin qui me font rêver). En revanche, son dernier opus est une daube (Fork in the road).
Disque 10 R.E.M, Automatic for the People (1992). Ce groupe fut l'une des bouffées d'oxygène rock du début des années 80 avec les Smiths (j'ai d'ailleurs hésité avec un album des Smiths, mais bon...). Automatic est un petit miracle musical (Up aussi est très bon), que l'on peut écouter en boucle avec le même bonheur - enfin bonheur je ne sais pas puisque l'on raconte que Kurt Cobain en avait fait son CD de chevet avant inventaire...REM est en tous cas l'un des rares groupes des années 80 à continuer à faire de bons disques et de bons concerts.
Bonne écoute...
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