La candidature avortée de Coluche en 1981 constitue à la fois l'apogée et le déclin de l'esprit Charlie/Hara-Kiri. En effet, Coluche renonce et Charlie s'arrête à la fin de l'année, faute de lecteurs, de soutiens et de financements. La deuxième vie de Charlie commence sous la direction de Philippe Val dans les années 1990 mais sans jamais retrouver l'esprit frondeur très particulier des années 1970. Philippe Val était certes un humoriste (son duo comique avec Patick Font) mais il perdit beaucoup de cet humour à la tête de Charlie. On peut tout de même insister sur le fait qu'en dépit de son parcours chaotique, Charlie a toujours eu au moins une ligne directrice cohérente, celle de François Cavanna : radicalement républicaine et laique, foncièrement antiraciste. Avec un peu les mêmes types d'"excès" que l'on pouvait connaître sous la IIIème République anticléricale d'avant 1914, lesquels excès étaient d'ailleurs déjà protégés par la loi (de 1881 sur la liberté d'expression). Mai-68 a toutefois déplacé certains enjeux de cette liberté : la révolution de mai a encouragé la libération de la parole et du dessin sur des thèmes jusque là fortement (auto)censurés, ainsi la sexualité, la drogue, le nucléaire etc. De fait, Charlie est apparu aussi comme un véritable défouloir pour les dessinateurs, jusque là contraints par la loi de 1949 (publications pour la jeunesse), notamment ceux travaillant pour Pilote ou d'autres journaux un peu moins "libres" de ton. Le génie de Reiser, de Gébé, de Wolinski ou de Cabu s'était certes déjà manifestés dans le Hara-Kiri des années 1960 mais il éclata vraiment dans les années 1970, dans le cadre hebdomadaire de Charlie - après le censure du hebdo Hara-Kiri suite au "bal tragique à Colombey - et cela sans contrainte ni la peur de déplaire ou de choquer. Ces dessinateurs furent aussi les mentors de la plus jeune génération, celle des Luz, Charb, Tignous, Honoré, Coco etc...La décision prise par Philippe Val (et sa rédaction, dont Charb, Cabu et les autres) de publier en 2006 les caricatures de Mahomet et de récidiver en novembre 2011 est liée à la polémique née de la publication de caricatures du prophète dans le journal danois Jyllands-Posten. Les locaux du journal ont été détruits en 2011 par un incendie criminel. On connaît malheureusement la suite.
Un superbe dessin de Cabu (un de mes dessins préférés, un peu à la manière de Sempé) tiré de l'album "Camille-le-Camé contre Mon Beauf" (1980), un dessin toujours d'actualité même si à l'époque c'étaient les "boat people" venus du Vietnam...Cabu fut le Daumier de notre temps, en plus baba cool !