Libertés et devoirs syndicaux de Thatcher à Blair   
Intervention au colloque "Liberté, libertés" à l'Université de Tours en septembre 2001

John Mullen Université de Paris 12 Créteil ©copyright John Mullen
 


Cet article retrace l'évolution des lois concernant les syndicats et les grèves au Royaume Uni depuis 1979, et essaie d'analyser les fondements idéologiques et les effets pratiques de ces lois.

Les libertés syndicales sont de types différents. L'existence légale même des syndicats dépend de la liberté d'association des travailleurs, reconnue (après de larges conflits) au XIXème siècle.

En deuxième lieu, les syndicats ont joui au Royaume Uni (depuis le Trades Disputes Act de 1906) de la possibilité d'organiser des grèves sans être tenus responsables de la perte des chiffres d'affaire des entreprises touchées, ni d'autres actions illégales de leurs adhérents.

La vie syndicale a également été marquée en Grande Bretagne comme ailleurs par une série de droits "positifs" qui ont facilité au syndicat son travail de défense des conditions de vie de ses membres. Une priorité dans la négociation a été reconnue aux organisations syndicales (variable selon les secteurs car fondée sur des accords et non sur des lois). Les heures de délégation des représentants élus du personnel peuvent être rémunérées par l'employeur (facility time). Les représentants syndicaux ont également pu parfois jouir d'autres droits de représentation : par exemple le droit d'être présent lors d'entretiens disciplinaires, ou un droit de consultation sur la formation continue des salariés. Ces droits sont presque toujours basés sur des accords sectoriels, pas sur la législation.

Enfin, il a existé d'autres dispositifs -de jure ou de facto - qui ont permis une certaine institutionnalisation du travail syndical, y compris lors de conflits sociaux. Nous nous référons aux droits des piquets de grève, et aux différentes sortes de monopole syndical (closed shop).

La question des libertés et des devoirs syndicaux a été au centre des transformations des deux principaux partis politiques anglais depuis 30 ans. Au moment d'écrire ce texte (2001), 11 ans ont passé depuis la fin du mandat de Premier ministre de Margaret Thatcher, mandat qui avait duré 11ans. Mme Thatcher a souvent été décrite comme un phénomène exceptionnel dans l'histoire contemporaine britannique. Dans ce domaine précis, sa réputation semble justifiée. Nous verrons que l'essentiel des transformations dans le traitement gouvernemental des libertés syndicales a été mis en œuvre durant son mandat, et que, à quelques exceptions près, les gouvernements britanniques depuis Thatcher se sont limités à des petits ajustements, laissant en place l'essentiel du dispositif.

En effet, une des priorités thatchériennes fut le désir d'affaiblir le syndicalisme. Cette campagne était considérée par les idéologues du parti conservateur, et particulièrement par son aile libérale, comme une bataille pour la liberté de l'individu, contre les grandes institutions syndicales qui endommageaient l'esprit de l'entreprise et étaient, selon eux, le plus souvent contrôlées par une minorité de radicaux peu représentative des syndiqués.
 
 

Les années 1970

Ces idées remontent loin dans le passé du conservatisme, mais elles reçurent un grand encouragement lors de la vague de conflits sociaux de 1968 à 1974. Le moment le plus traumatisant pour les conservateurs de cette période fut peut être Saltley, en 1972, quand une manifestation de masse de 10 000 personnes força la fermeture d'une usine à Birmingham qui ne respectait pas les piquets de grève des mineurs.

Un conseiller du ministre des finances écrivit :

      At the time many of those in positions of influence looked into the abyss and saw only a few days away the possibility of the country being plunged into a state of chaos not so very far removed from that which might prevail after a minor nuclear attack...it was the fear of that abyss which had an important effect on subsequent policy.(Hain 1986:126)

Ce fut un moment symbolique, mais cette période 1968-74 vit d'autres évolutions importantes dans le conflit social. Le piquet de grève devenait plus courant, et sa légitimité (basée en partie sur son efficacité) augmentait parmi les syndiqués (Mcllroy & Campbell 1979:1)

La tactique du piquet de grève dit "secondaire" se répandit - les grévistes montaient un piquet de grève auprès des fournisseurs s'ils continuaient à fournir l'entreprise en grève. Les syndiqués des établissements fournisseurs refusèrent souvent de traverser la ligne du piquet de grève. Le "piquet volant" - des syndiqués qui se déplacèrent d'entreprise en entreprise pour monter une série de piquets de grève gagna aussi en popularité. C'était possible à cause de la légitimité du devoir de solidarité syndicale dans le mouvement ouvrier.

Plusieurs grèves virent des piquets de masse s'organiser, où un grand nombre de travailleurs tentèrent d'empêcher physiquement un plus petit nombre de non-grévistes de se rendre au travail. Lors de ces manifestations, les conflits avec la police augmentèrent. Dans une grève à l'usine de traitement de films, Grunwick, 377 syndicalistes furent arrêtés au cours d'un seul mois. (Mcllroy 1979:1)

Ces évolutions coûtèrent parfois cher aux syndicats dans l'opinion publique, mais parmi les travailleurs, l'efficacité accrue du syndicalisme convainquit beaucoup d'entre eux à se syndiquer pour la première fois. Le nombre de syndiqués augmenta pendant l'ensemble des années 1970, pour atteindre en 1979 son plus haut point (12,1 millions).

Face à ces évolutions, la section la plus antisyndicale au sein du parti conservateur gagna beaucoup d'influence. Au congrès conservateur de 1977 on dénonça les "Union hatchet men" et la "rent a crowd violence" (Guardian 12/10/77). Difficilement traduisibles, la première de ces expressions a le sens de saboteurs (de l'harmonie sociale), la deuxième de "mercenaires à la solde d'on ne sait qui"

Les grèves de 1978-79 - le "Winter of Discontent" provoquèrent des réactions similaires au sein du parti conservateur.

      …from September 1978 to February 1979, disputes, whipped up by a militant minority, strangled in turn the motor industry, the bakeries, the railways,the hospitals, the ports and the schools(cité dans The Independent 6/7/89 je souligne)

L'idée que les grèves furent dans l'ensemble l'œuvre de militants radicaux suivis par des masses trompées se trouvera au centre de la politique syndicale du gouvernement de Thatcher.

Le manifeste conservateur de 1979 comporte un discours ferme mais diplomatique. Les syndicats actuels sont décrits comme des casseurs de la cohésion sociale, mais un syndicalisme réformé serait un acquis pour l'ensemble de la société. Il y aurait besoin de syndicats "libres" - libérés de l'influence d'une minorité malveillante.

      Free trade unions can only flourish in a free society. A strong and responsible trade union movement could play a big part in our economic recovery. We cannot go on, year after year, tearing ourselves apart in increasingly bitter and calamitous industrial disputes….

La faute était selon les conservateurs, largement imputable au gouvernement travailliste.

      Between 1974 and 1976, Labour enacted a 'militants' charter' of trade union legislation. It tilted the balance of power in bargaining throughout industry away from responsible management and towards unions, and sometimes towards unofficial groups of workers acting in defiance of their official union leadership. (Manifesto 1979)

En effet, les gouvernements travaillistes des années 1970 avaient abrogé la Industrial Relations Act de 1971, et ses diverses dispositions qui visaient à réduire la capacité des syndiqués à faire grève. Ils avaient également encouragé la négociation collective en mettant en place une agence gouvernementale (ACAS) dont le rôle était de renforcer les structures de négociation sociale. Par ailleurs, d'autres lois renforcèrent le rôle de l'Etat dans le dialogue social.
 
 

Les priorités du nouveau gouvernement de 1979
 
 

Arrivée au pouvoir en 1979, Mme Thatcher essaya de répondre aux soucis conservateurs sans provoquer une réaction d'opposition massive de la part des syndicats, au plus haut point de leur influence. Dès 1980, le Employment Act était voté…

      No clear purpose seemed to inform it but there was little doubt that it was essentially intended to limit trade union power. It did so, however, in such a way as to avoid the collective anger of the trade union movement, and it clearly managed to avoid uniting the movement against its provisions in the way which had occurred in 1971. (Kahn 1983)

Cette stratégie continua pendant toutes les années 1980. Les différentes dispositions pour limiter le conflit social furent introduites à petites doses. C'est pourquoi nous verrons un si grand nombre de lois - en 1980,1982,1984,1988,1989, 1990 et 1993. Thatcher avait compris le danger d'une réaction similaire à celles qui avaient causé les défaites conservatrices des années 1970.

Même mises en place, d'ailleurs, les nouvelles lois furent rarement utilisées dans les premières années, tant que le rapport de forces ne semblait pas favorable. Au sujet des lois de 1980 et 1982, Barlow écrit que :

      Initially… the government itself refrained from using these laws. At first, the latter sought merely to establish a "new" legal framework or, more precisely, re-establish an old one at a time when the labour market situation for working people was deteriorating. " (Barlow 199)

En effet, la montée du chômage, et la réduction graduelle du nombre de syndiqués furent suffisants, alliés au sens tactique du gouvernement, pour éviter une révolte généralisée.

L'attitude du gouvernement envers les syndicats influença l'ensemble de sa politique. Dans cet article nous nous concentrons sur la législation, mais l'Etat moderne n'est bien sûr pas uniquement un législateur. L'Etat est le plus grand employeur du pays. L'attitude de l'Etat employeur envers ses propres employés dans le secteur public et dans les industries nationalisées a un grand impact sur l'ambiance des conflits sociaux dans l'ensemble de l'économie.

Nous allons voir trois exemples. Le plus célèbre est la grève des mineurs de 1984-85, le conflit clé qui généra une démoralisation du mouvement syndical qui facilita tous les autres projets du gouvernement pour plus de quinze ans.

La victoire de Thatcher contre les mineurs nécessita la mobilisation de tous les moyens dont disposait le gouvernement - policiers, de communication… - et fut gagné à un prix exorbitant qui dépassa de très loin les bénéfices économiques. Il s'agit avant tout d'une victoire politique.

Un deuxième conflit où le gouvernement utilisa son contrôle d'Etat-employeur est devenu une cause célèbre du mouvement syndical britannique. Il s'agit de GCHQ (General Communications Headquarters) Le gouvernement déclara que certains centres de communication liés aux services d'espionnage ne pouvaient être syndiqués. Il s'agissait d'une première sortie pour tester la possibilité d'interdire les syndicats dans une série de services essentiels où la présence des syndicats était perçue par le gouvernement comme un danger.

L'ensemble du personnel du GCHQ fut sommé de quitter le syndicat ou d'être licencié. Un certain nombre fut licencié. Des grèves politiques de masse dans toute la fonction publique ont suivi, mais sans effet sur la politique du gouvernement. On peut cependant penser que la réaction forte a convaincu le gouvernement d'en rester là et de ne pas étendre l'interdiction à d'autres services.

La campagne pour le droit de se syndiquer au sein de GCHQ s'est poursuivi pendant 15 ans, pour enfin réussir sous Blair à obtenir un renversement de la décision et des dommages et intérêts pour le personnel qui avait été licencié.

Un troisième exemple de l'offensive de l'Etat employeur fut la décentralisation des négociations salariales dans la fonction publique. Des études ont montré que la décentralisation de la négociation salariale correspond à moins d'augmentations salariales, les syndicats étant moins forts dans une situation de division. (Gregg & Machin 1992)

Pendant toute la décennie une politique fut menée pour tenter de décentraliser les décisions de la direction de la fonction publique. Le gouvernement espérait ainsi encourager les directions régionales à profiter des particularités locales du marché de travail.

Le dénouement d'un très long conflit fut l'introduction en 1991 des Executive Agencies (agences autonomes) recommandées par le rapport gouvernemental de Ibbs, publié en 1988. Ce rapport recommandait une décentralisation radicale des fonctions de l'administration publique, en créant de commissions "autonomes" ("Agencies") ; subordonnées aux décisions politiques du ministère quant aux nombres et types de services distribués. En mai 1990, il y avait déjà 30 agences employant 66 000 salarié(e)s. (Hansard 2/4/90)
 
 

La législation Thatchérienne
 
 

Ainsi le gouvernement de Thatcher a mis au centre de sa politique de gestion du personnel public son souci de réduire l'influence des syndicats. Nous allons voir maintenant comment ce même objectif fut servi par la législation sous Thatcher et Major. L'essentiel de ces lois reste en vigueur aujourd'hui (2001). Nous n'hésiterons donc pas à utiliser aussi des exemples des années Blair lorsque nous nous posons la question de l'efficacité des mesures thatchériennes.

Nous avons divisé les dispositions législatives en sept catégories
 
 

1) La restriction de la définition de la grève légale.

2) Les restrictions sur le piquet de grève

3) La mise en place des procédures plus contraignantes lors du déclenchement d'une grève.

4) L'introduction d'obligations spécifiques lors de la sélection des dirigeants syndicaux.

5) La limitation, puis l'abolition du monopole syndical (closed shop) et d'autres modalités similaires (check-off).

6) La restriction de l'activité politique des syndicats

7) Diverses autres réformes (procédures de reconnaissance syndicale, discipline interne des syndicats)
 
 

1. La restriction de la définition de la grève légale

L'idée de restreindre les grèves par des lois n'avait pas ses origines dans la période Thatcher. Même dans la période du "consensus d'après guerre", les gouvernements étaient souvent tentés par la restriction des grèves par des moyens législatifs, à tel point que. Durcan écrit,

      ... by the late 1960s the two major political parties almost seemed to be vying with each other to see which of them could introduce the most stringent legislative restraints on the use of strikes (Durcan 1983:2)

Les mesures principales des gouvernements Thatcher et Major dans ce domaine sont répertoriées ci-dessous.

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Employment Act 1980

Réduction des allocations sociales consenties aux familles de grévistes. Fin de l'immunité syndicale en cas de grèves "secondaires"

Employment Act 1982

Des grèves de solidarités ne sont plus légales, les grèves politiques non plus. Les syndicats peuvent être poursuivis pour dommages et intérêts s'ils appellent à des grèves illégales.

Employment Act 1990

Les entreprises peuvent désormais licencier les meneurs des grèves non-officielles. Toutes les grèves "secondaires" sont illégales. La responsabilité légale des dirigeants syndicaux en cas de grèves illégales est étendue. Les syndicats peuvent être poursuivis pour dommages et intérêts en cas de grève illégale s'ils ne dénoncent pas ces grèves par écrit dans des courriers adressés à tous les syndiqués

Trade Union Reform and Employment Rights Act, 1993

Des individus peuvent demander aux tribunaux des injonctions contre des grèves illégales. Un bureau gouvernemental pour "protection contre les grèves illégales" est créé.

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L'idée de restreindre le type de grève qui était couvert par l'immunité syndicale était déjà dans les intentions du parti conservateur dès 1968 (Conservative Party manifesto 1968 : 30). Les restructurations des entreprises dans les années 1980 rendirent ces lois beaucoup plus contraignantes pour les syndicats. En effet, le développement foudroyant de la sous-traitance signifiait que des salariés qui travaillaient ensemble tous les jours pouvaient appartenir à des entreprises différentes, et donc ne pas avoir le droit de faire grève pour se soutenir les uns les autres.

Il est très difficile de mesurer l'efficacité de ces mesures. Certes, il a souvent été remarqué que le nombre de journées de grève a baissé radicalement pendant les années Thatcher-Major (les chiffres des journées de grèves sont reproduits en Annexe A), et il n'est plus permis de douter que la politique du gouvernement y ait joué son rôle.

D'abord, on peut difficilement distinguer les effets d'un haut niveau de chômage et un déclin du syndicalisme dû à de nombreux autres facteurs (désindustrialisation…) des effets directs de la législation thatchérienne. Surtout, d'autres pays comme la France, qui ne sont pas passé par une "révolution thatchérienne" ont également vu un déclin très fort dans le nombre de journées de grèves pendant les années 80 et 90.

La baisse a été plus forte en Angleterre que dans d'autres pays, et les impressions d'employeurs et de syndicalistes, tout comme des exemples spécifiques s'accordent pour dire qu'il est devenu plus difficile d'organiser des grèves suite à cette législation.

Si nous prenons par exemple la grève dans l'imprimerie en 1983, chez Messenger Newspaper Group. Cette grève n'a pas bénéficié de la solidarité syndicale déterminée traditionnelle dans le secteur. Dans l'ensemble les autres directions syndicales n'avaient pas la confiance pour apporter leur solidarité en enfreignant la loi sur les grèves de solidarité. Il s'agit, selon Barlow (sd : 200) de la première grande victoire des lois thatchériennes, une victoire qui a beaucoup contribué à la démoralisation du mouvement syndical.

Les peurs des directions syndicales n'étaient pas sans fondement. En 1988, le Civil and Public Services Association a dû payer une contravention de £500 000 après avoir appelé à une grève de solidarité pour soutenir les employés de la santé publique. (Mail on Sunday 13/3/88)

Le même CPSA en 1991 était attaqué en justice par l'employeur pour cause de grève illégale car "politique". L'issue du procès fut que le syndicat se vit interdire de faire grève contre une société liée à l'extrême droite. Les membres du CPSA qui travaillaient dans le bureau d'enregistrement de sociétés commerciales avaient refusé d'enregistrer National Front Printers, l'imprimerie d'un groupe d'extrême droite, le National Front.

La grève devenue célèbre des dockers de Liverpool qui commença en septembre 1995 montre aussi l'étendue de ces lois. Quatre cents dockers furent licenciés car ils avaient entrepris une grève de solidarité illégale. Mais cette grève était devenue une grève "secondaire" à cause des nouveaux règlements, et à cause des distinctions largement fictives entre dockers qui travaillaient ensemble.

Il y a eu néanmoins beaucoup de grèves illégales qui n'ont pas donné lieu à l'utilisation de la loi. A titre d'exemple nous avons vu des grèves de masse dans la fonction publique contre l'emploi d'un dirigeant d'un parti fasciste, et bien sûr les grèves nationales de protestation contre l'interdiction du syndicalisme au GCHQ. Elgar et Simpson dans leur étude sur les syndicats dans l'éducation ont souligné que les employeurs peuvent ne pas vouloir appliquer la loi, pour ne pas enflammer la situation.

      Sympathetic action in support of the miners' protest over pit closures in 1992 had occurred in one Authority but the absence of any immunity from legal restraint for those who organised it was not identified as a relevant factor in the management response.(Elgar et Simpson 1994:47)

En tout et pour tout les lois limitant les grèves ont amené seulement 100 fois un syndicat devant un tribunal pendant les dix premières années ( 1980-1990). Toutefois, il a très souvent suffi à la direction de menacer d'appliquer une loi pour pousser une direction syndicale à renoncer à ses projets, ou pour démoraliser ceux qui voulaient faire grève. Une enquête entreprise par Labour Research a trouvé que :

      In one third of workplaces managers threatened to use the law. In one fifth of these, industrial action was called off because of these threats. In nearly one third of workplaces, workers said they were unwilling to strike for fear of the law.(Labour Research Sept 1990)

On peut en conclure que l'effet de ces mesures a été réel, sans qu'on puisse mesurer son étendue exacte.
 
 

2. Le piquet de grève
 
 

Si le gouvernement de Thatcher espérait réduire la fréquence des grèves en en restreignant la définition légale, il cherchait également à limiter l'efficacité des grèves déjà déclenchées. La tradition du piquet de grève était forte dans le mouvement syndical anglais. Traverser un piquet de grève était considéré dans les secteurs les plus fortement syndiqués comme un déshonneur sans égal.

Le Manifeste conservateur de 1979 explique sa position dans des termes relativement modérés :

      Workers involved in a dispute have a right to try peacefully to persuade others to support them by picketing, but we believe that right should be limited to those in dispute picketing at their own place of work. (Manifeste conservateur 1979)

Voici une liste des mesures prises pour limiter les piquets de grève

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Employment Act 1980

Seuls six grévistes pouvaient désormais être présents sur un piquet de grève. Toute forme de piquet de grève "secondaire" (par exemple un piquet de grève devant les entreprises fournisseurs ou clients) devint illégale.

Public Order Act 1986

Dans cette loi de nouvelles définitions plus larges des crimes de "Riot" et de "Violent disorder" sont mises en place, qui rend les grévistes sur les piquets de grève en danger d'enfreindre la loi. Vous trouverez en Annexe B la définition utilisée pour une émeute. En effet, il suffit qu'un non-gréviste se sente menacé pour que les grévistes soient rendus coupables d'un crime et encourent une longue peine de prison.

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Des lois qui restreignent les piquets de grève n'ont bien sûr rien de nouveau. Déjà en 1859, 1871 et 1874, de telles lois ont été votées. Plus récemment en 1972, cinq dockers écopèrent de trois ans de prison suite à des piquets de grève illégaux selon la loi de1971. L'humiliation du gouvernement d'alors, obligé de libérer les dockers emprisonnés en utilisant des manœuvres improvisées et illégales, contribua à la montée du syndicalisme et à la défaite du gouvernement conservateur.

Les mesures thatchériennes sur les piquets de grève semblent avoir eu un effet certain, mais pas toujours de la manière qu'on pourrait imaginer. Peu de personnes furent poursuivies par leurs employeurs. Il semblait, surtout, qu'une fois une grève finie, les employeurs n'avaient pas envie de ré-enflammer la situation en poursuivant les grévistes pour avoir enfreint la loi sur le piquet de grève.

Néanmoins, l'existence des lois appuyait, dans le débat interne à chaque syndicat, ceux qui s'opposèrent à des tactiques radicales dans la conduite d'une grève. Par exemple au milieu des années 1990, des grèves de masse en Ecosse dans les services postaux débattirent de l'opportunité d'envoyer des piquets de grève pour demander la solidarité des centres de tri en Angleterre. L'existence des lois était l'argument clé de ceux qui ont réussi à enterrer ce projet.
 
 

3. Scrutins obligatoires lors des grèves
 
 

Rappelons que l'aile thatchérienne du parti conservateur présentait les grèves comme, le plus souvent, déclenchées par une minorité de syndiqués, contre la volonté de la majorité, qui n'oserait pas s'y opposer. Il s'ensuivit, dans leur esprit, que l'imposition de procédures de vote lors des grèves réduiraient le nombre de conflits.

Voici les mesures prises dans ce sens. On remarque à nouveau une progression lente due à la crainte d'une réaction généralisée.

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Employment Act 1980

Le gouvernement encourage la mise en place de consultations par voie postale avant les grèves. Il propose de financer ces consultations pour tous les syndicats qui en font la demande.

Trade Union Act 1984

De telles consultations sont désormais obligatoires avant le déclenchement d'une grève.

Employment Act 1988

Une consultation séparée doit être menée pour chaque lieu de travail (plus de possibilité de consultation régionale par exemple).

Trade Union Reform and Employment Rights Act, 1993

Désormais, il doit y avoir un préavis de 7 jours avant la mise en place d'une consultation avant une grève. Seules des consultations par voie postale sont légales - des votes en réunion - ou par écrit sur le lieu de travail ne sont pas reconnus.

La grève doit commencer moins de quatre semaines après la consultation. Après ce délai, une nouvelle consultation est obligatoire.

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Ce type de mesures n'a pas toujours bénéficié du soutien du parti conservateur. Dans les années 1960, certains groupes conservateurs avaient considéré qu'au contraire les votes obligatoires renforceraient plutôt la position des syndiqués les plus militants. Pourtant, une étude canadienne a prouvé que l'imposition de votes obligatoires réduit de façon significative le nombre de grèves (cité Manning 1992:3), et en 1983 Norman Tebbit exprima ce qui était devenu le nouveau consensus thatchérien :

      If all trade unions were to take the views of their members through secret ballot before embarking on industrial action, many unnecessary and damaging strikes could be avoided.

Ces mesures ont donné lieu à d'importants débats, surtout au sein des milieux travaillistes. Le gouvernement a maintenu qu'il s'agissait de mesures en faveur de la démocratie dans les syndicats. C'était une vision de la grève comme imposée à des syndiqués intimidés par des militants bien organisés.

Pour leur part, les militants syndicaux répondirent que la grève organisée par une minorité par intimidation était un mythe. Ils ont opposé à la démocratie par voie postale une conception de démocratie participative, où les salariés ont la possibilité de discuter collectivement en réunion des actions à entreprendre. Ils pensaient que le vote en réunion, qui oblige un syndiqué à justifier son vote auprès de ses camarades de travail était tout aussi démocratique, mais d'une autre manière, que le vote secret. Ils ont également souligné que le but de cette législation était de réduire le nombre de grèves - il n'a jamais été question pour le gouvernement, par exemple, d'organiser des consultations avant de terminer une grève. (Manning 1992)

En effet, la confiance des salariés pour entreprendre des grèves est bien plus forte lorsqu'ils se retrouvent tous ensemble sur le lieu de travail, que lorsqu'ils sont chacun chez eux, isolés, et en partie influencés par le discours des grands médias, où les grèves sont quasiment toujours présentées comme faisant partie d'un problème et pas d'une solution. Le vote par correspondance vise aussi à minimiser le rôle des délégués syndicaux, (shop stewards) qui sont devenus des éléments de plus en plus influents depuis les années 50 dans l'industrie et depuis les années 70 dans les services publics.

Il apparaît que le but déclaré de ces mesures - de rendre les syndicats plus démocratiques ne peut être considéré comme sa seule intention, car certaines des dispositions prises ont clairement comme objectif de rendre la grève plus difficile en entamant la confiance des salariés.

Par exemple la mention suivante est obligatoire sur les bulletins de consultation à partir de 1988:
 
 

      If you take part in a strike or other industrial action, you may be in breach of your contract of employment.
       

Cette mention reste obligatoire même si l'action prévue ne peut pas constituer une rupture de contrat (par exemple un refus collectif d'heures supplémentaires).

Au début de la discussion parlementaire sur ces mesures, le gouvernement avait même insisté pour que la réponse "Non" soit placée obligatoirement à gauche sur le bulletin de vote, afin que cela soit la première réponse lue par le salarié! (Labour Research Department 1989)

L'imposition d'un délai obligatoire de sept jours doit également être considérée comme une mesure en faveur des employeurs engagés dans un conflit. En règle générale, la grève surprise constitue un des moyens de pression les plus forts des salariés dans un conflit social. Un délai de sept jours permettant à l'employeur de prévoir une réaction, voire de transférer la production vers un autre site, est un avantage sérieux pour lui.

      Ballotting takes time and delay in organizing political action may give opportunities for both sides to make preparations to strengthen their bargaining positions. Given that, in the absence of ballots, many strikes were initiated very rapidly, the presumption must be that the delay is generally to the advantage of the employer. (Manning 1992:16)

Le président de l'Industrial Law Society, Lord Wedderburn, a écrit :

      The point of the strike ballot is not merely to ensure that the majority of the members agree ; it is also to put an obstruction in the path of official strikes.(cité LRD 1989:1)

Pendant les années 1980, la revendication par le gouvernement d'un vote à bulletin secret avant une grève a été transformée en une revendication d'un vote par voie postale. Pourtant, comme nous le verrons, le taux de participation est systématiquement plus faible dans les consultations par correspondance. L'éloignement du lieu de décision du lieu de la collectivité en est sans doute une des raisons.

Est-ce que ces mesures ont été couronnées de succès ? La réponse n'est pas facile. Manning (1992) va jusqu'à écrire :

      …any analysis of the effect of ballots is likely to remain largely speculative. (Manning 1992:18)

En effet, comme nous l'avons signalé, la réduction du nombre de journées est conditionnée par de nombreux facteurs, et des réductions similaires ont été vues dans des pays qui n'ont vécu aucune expérience similaire à l'expérience thatchérienne.

On peut voir à nouveau, pourtant, que les lois ont eu un certain effet. D'abord du point de vue répressif, certains syndicats ont perdu beaucoup d'argent en contrevenant aux règles imposées par la loi. En 1984, le Transport and General Workers Union a dû payer une amende de £200 000 pour ne pas avoir organisé un scrutin avant de déclencher une grève chez Austin Rover.

Pendant la grève des mineurs de 1984-85, le syndicat a vu mettre sous saisie tous ses fonds pour la même raison - le manque d'un scrutin avant la grève. Il semble probable que de tels exemples ont servi d'avertissement à toutes les directions syndicales, qui ont été amenées à suivre de plus en plus fastidieusement la législation.

Mais l'influence de ces mesures a été réduite. L'idée thatchérienne que les grèves étaient souvent imposées sur des membres qui n'en voulaient pas est tout à fait fausse. Ceci est démontré à la fois par la popularité continuelle des grèves sauvages en Angleterre, et aussi par le fait que les scrutins secrets et postaux qui ont lieu sont presque toujours gagnés par la position de la direction du syndicat.

Entre 1984 et 1987, sur 432 scrutins, 90% ont été gagnés par la position officielle de la direction syndicale. Ce taux de réussite a amené le gouvernement à introduire le nouveau code plus contraignant, imposant par exemple l'avertissement écrit sur le bulletin de vote.(LRD 1989:2) Ces nouvelles mesures ont été pourtant tout à fait inefficaces. Comme l'écrivent Brown et alii :

      The proportion of strike ballots which went in favour of industrial action has remained high at 92 per cent in both 1987–89 and 1994–95.

Les lois ont pourtant empêché certaines grèves d'une autre manière. Le scrutin a remplacé la grève pour informer l'employeur sur le niveau de combativité des travailleurs. Un vote en faveur d'une grève a souvent suffi pour convaincre l'employeur de faire de nouvelles concessions, sans que la grève soit déclenchée.

      Industrial action did not follow in the substantial majority of cases where a ballot went in favour. Ballots probably make a minor contribution to preventing strikes. (Brown et alii 1997)

Une étude détaillée (Elgar et Simpson 1994) des syndicats dans l'éducation prouva que la loi avait eu peu d'effet. Cette étude souligna aussi que les employeurs hésitaient très souvent à appliquer la loi à la lettre (par exemple pour la surveillance des scrutins), car ils tenaient à garder de bons rapports avec les syndicats.

      In general, balloting did not appear to be a central issue for our respondents [employeurs] half of whom said that they would not monitor union ballots. The other half said that whether they monitored ballots would depend on the issue and how serious the threat of industrial action was. Good relations with unions and a concern not to disturb these by being seen to be aggressive or hardline was a key factor behind this approach to industrial action ballots. While unions might make threats to hold ballots, in the main they were not quick to actually ballot members. (Elgar et Simpson 1994:35)

Le rapport produit par le Trades Union Congress en 1998 a confirmé que les scrutins sont souvent utilisés comme une arme par les négociateurs pour montrer leur position de force. Seulement une minorité des scrutins qui ont donné un résultat approuvant une action a été suivie d'une grève ou autre forme de conflit.

Une dernière piste de réflexion sur ces mesures est leur objectif politique plus général. La campagne conservatrice pour mettre en place des procédures étroitement surveillées avant le déclenchement des grèves servait aussi à renforcer dans l'opinion publique (y compris auprès d'une minorité de syndiqués) la présentation des syndicats comme étant un problème, comme des institutions qui freinaient le progrès, etc. Ceci a apporté des avantages peut-être inattendus aux projets gouvernementaux. A titre d'exemple, pendant la grève des mineurs, une partie de la gauche politique hésita ou refusa de mener campagne pour soutenir les mineurs. La raison donnée fut souvent l'absence de scrutin avant le déclenchement de la grève. Avant la mise en place de ces lois, on peut affirmer que personne n'aurait contesté la légitimité d'une telle grève, jouissant évidemment du soutien de la majorité des mineurs.

Les mesures de Thatcher ont convaincu également une partie des syndiqués.
 
 

4. Les élections obligatoires des dirigeants syndicaux.
 
 

Dans le même esprit que les lois sur les scrutins de grève furent mises en place des élections régulières des dirigeants syndicaux, selon des modalités précisées par le gouvernement. Avant la législation, les syndicats (comme d'ailleurs d'autres secteurs de la société comme les entreprises) montraient une énorme variété de modalités de sélection des dirigeants - des collèges électoraux aux votes de délégués au congrès, en passant par le vote individuel des membres ou le vote bloqué par régions.

La théorie thatchérienne des dirigeants syndicaux gauchistes manipulant leurs membres trouvait sa réponse dans les nouvelles lois que nous présentons ci-dessous.

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Employment Act 1980

Le gouvernement encourage la mise ne place de votes à bulletins secrets pour toutes les élections, sans les rendre obligatoires..

Employment Act 1982

Les modalités existant dans certains syndicats pour la sélection des secrétaires généraux (nommés sur un contrat à durée indéterminée) sont déclarées illégales. Tous les secrétaires généraux doivent désormais être élus régulièrement.

Trade Union Act 1984

Les secrétaires généraux, les présidents et les comités exécutifs de tous les syndicats doivent désormais être élus tous les cinq ans dans des scrutins à bulletin secret.

Employment Act 1988

Les membres des comités exécutifs qui n'ont pas le droit de vote dans ces instances doivent également être élus régulièrement.

Tous les scrutins doivent être postaux.

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Le gouvernement de Thatcher a voulu déstabiliser les directions syndicales en imposant les élections obligatoires des permanents. Cependant, sa thèse de dirigeants gauchistes ne correspondait pas à la réalité. C'est ainsi que l'effet de ces lois a été très faible. Entre 1988 et 1990, un seul secrétaire général fut limogé après les nouvelles élections imposées par la loi. Nous n'avons pu trouver que deux exemples dans les années 1990 (la NATFHE et la NUJ).

Les nouvelles modalités n'ont profité systématiquement ni aux candidats "de gauche" ni aux candidats "de droite" au sein des syndicats..Undy écrit :

      The new rules for the election of Executive committees and Senior Executive Officers have not automatically led to any consistent and radical adjustment in the unions' hierarchies. (Undy et alii 1996:190)

Cette inefficacité est en partie due au fait que dans beaucoup de syndicats il n'existe pas de tendances organisées de gauche ou de droite qui proposent des candidats différenciés politiquement. Mais même dans les syndicats les plus "politisés", l'effet n'a pas été systématique, comme le montre l'élection en 2001 par scrutin secret et postal d'un candidat d'extrême gauche, Mark Serwotka, comme secrétaire général d'un grand syndicat, le PCS. M. Serwotka a commencé son mandat en refusant le salaire ( de 700 000F par an) affecté au poste car il croit que les dirigeants syndicaux doivent toucher un salaire similaire à celui du syndiqué moyen.

Loin de garantir la démocratie, la mise en place des élections par voie postale a fait chuter le taux de participation. Le taux de participation aux élections du TGWU, qui était de 39% sous l'ancien système est de 17% sous le système postal; l'IRSF a vu son taux de participation chuter de 56% à 30,9%. (Labour Research mai 1990). D'autres résultats montrent qu'il ne s'agit pas d'un phénomène isolé.
 

Syndicat Taux de participation, election non-postale Taux de participation, élection par voie postale
TGWU 1987 34% 1991 15%
NALGO 1988…27% 1990…22%;17%
CPSA 1980-88 (moyenne) 38%

1989-90 (moyenne) 25%

 

 

 


 

(Source : Undy et alii 1996:181 et suivants)
 
 

Il est intéressant de noter que les scrutins par correspondance pour décider d'une grève n'ont pas connu ces faibles taux de participation, sans doute à cause de l'intérêt très immédiat pour le salarié d'une décision de faire grève ou non.
 
 

5. Monopole syndical et dispositifs similaires
 
 

Le système du closed shop où le travailleur est obligé, par un accord entre l'employeur et le syndicat, de rejoindre le syndicat avant de pouvoir être embauché, était honni par l'aile thatchérienne du parti conservateur. Car encourager le non-syndicalisme faisait partie de ses priorités.

Cependant, ce combat va être compliqué par le fait de nombreux employeurs étaient en faveur du maintien d'un closed shop, convaincu que le risque de grèves sauvages était plus nuisible que l'institutionnalisation de la négociation avec le syndicat, et préférant n'avoir qu'un seul interlocuteur lors des conflits. D'ailleurs très souvent, le closed shop faisait partie d'un accord plus large entre syndicats et employeur - c'est à dire, l'employeur bénéficiait de concessions faites par le syndicat en échange de l'acceptation du closed shop.

Même le parti conservateur, en 1968, dans un document officiel cite avec approbation l'opinion que :

      100% union membership is a stabilizing factor in industrial relations and an aid to efficient consultation machinery…It is wrong that non-union members should receive benefits of a union-negotiated agreement free of charge or responsibility. (Conservative party 1968)

Une autre forme d'accord entre syndicat et employeur est le check-off : avec ce système les cotisations syndicales sont prélevées directement sur le salaire des employés et versées par l'employeur au syndicat. Ceci facilite bien sûr la collecte des cotisations syndicales. C'est un système qui concrétise l'acceptation par l'employeur du syndicat comme un élément normal de la vie de l'entreprise.

Voici les mesures qui ont été prises par les gouvernements Thatcher et Major

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Employment Act 1980

Des salariés, licenciés pour refus d'adhérer au syndicat, peuvent désormais faire appel aux tribunaux. Des nouveaux closed shops ne peuvent être mis en place sans un scrutin. Lors de ces votes, le closed shop doit être approuvé par 80% des salariés pour être légal.

Employment Act 1982

Un closed shop n'est légal que s'il est approuvé à nouveau tous les cinq ans par référendum

Employment Act 1990

Le closed shop est aboli. Il est illégal d'exiger des candidats à l'embauche une appartenance syndicale.

Trade Union Reform and Employment Rights Act 1993

Des scrutins sont désormais obligatoires pour la mise en place du check-off. Un accord écrit de chaque salarié doit être rempli tous les trois ans.

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Les premières lois sur les monopoles syndicaux ont eu des résultats divers. Entre 1984 et 1986, 113 référendums eurent lieu. Dans 88 cas, les 80% nécessaires pour garder le monopole syndical furent atteints. Ce n'est qu'en 1990 que l'abolition complète a été possible. Néanmoins, des situations de syndicalisme à100% restent courantes en Angleterre de facto si ce n'est plus de jure.
 
 

6. Les activités politiques des syndicats

Les grèves "politiques" furent, nous l'avons vu, rendu illégales. Mais d'autres activités politiques des syndicats inquiétaient le gouvernement de Mme Thatcher, dont le financement du parti travailliste n'était pas la moindre. Une série de mesures visait à réduire de telles activités. Ces mesures correspondaient, à nouveau, à la vision thatchérienne des directions syndicales gauchistes et illégitimes.

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Trade Union Act1984

Une activité politique d'un syndicat doit être financée par une caisse séparée - le "fonds politique (political fund). L'établissement de tels fonds doit faire l'objet d'un référendum dans le syndicat tous les dix ans.

Employment Act 1988

Les congrès annuels des syndicats ne peuvent plus décider de l'affiliation d'un syndicat à un parti politique (il s'agit toujours, d'ailleurs du Labour party). Seul un référendum de tous les syndiqués peut approuver une telle décision.

Les syndicats n'ont plus le droit de payer les amendes de leurs membres ou de leurs dirigeants, si ceux-ci sont pénalisés par les tribunaux pour avoir enfreint la loi sur les syndicats ou les grèves.

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Le gouvernement a mené campagne pour tenter d'empêcher les syndicats de la fonction publique d'établir des fonds politiques. Le ministère des finances a déclaré avant le référendum dans un des syndicats de fonctionnaires

      Union members should realize that the creation of such funds will not be seen as in keeping with the political neutrality of a civil service. (cité Morning Star 8/2/86)

Mais on peut dire que ces lois ont été une défaite pour Thatcher. Dans les premières années, tous les 38 syndicats qui avait un fonds politique ("political fund") pour financer des campagnes politiques ou des candidats aux élections législatives ont voté par de larges majorités en faveur de la conservation de ces fonds (Kelly J 1988:280). D'ailleurs, le CPSA - syndicat des petits fonctionnaires - a établi un fonds politique, pour la première fois en 1984. De nombreux autres syndicats ont suivi cet exemple (voir ci-dessous). En effet, les direction syndicales et leurs bases ne semblent pas douter qu'une activité politique fait partie du rôle normal d'un syndicat. Le rêve d'un syndicalisme apolitique n'a pas été exaucé.

      Syndicats mettant en place pour la première fois, par référendum, un fonds politique

      1984

      Amalgamated Society of Textile Workers and Kindred Trades.

      1986

      Broadcasting and Entertainment Trades Alliance.

      Communication Managers Association.

      Inland Revenue Staff Federation.

      Clerical Group of National Communications Union(Engineering and Clerical Groups).

      National Union of Hosiery and Knitwear Workers.

      1987

      Association of Her Majesty's Inspectors of Taxes .

      Civil and Public Services Association.

      Civil Service Union.

      National Union of Lock and Metalworkers.

      Society of Civil and Public Servants.

      1988

      Educational Institute of Scotland.

      Health Visitors Association.

      Institution of Professional Civil Servants.

      National and Local Government Officers Association.

      National Association of Teachers in Further and HigherEducation.

      National Union of Insurance Workers.

      Retained Firefighters Union.

      Union of Democratic Mineworkers.

      1989

      Association of Agricultural Education Staffs.

      National Association of Schoolmasters and Union ofWomen Teachers.

      Association of Her Majesty's Inspectors of Taxes .
       
       

Il est intéressant de voir que même le Union of Democratic Mineworkers, établi en 1984 dans le Nottinghamshire par des mineurs non-grévistes, syndicat dont Thatcher a souvent chanté les louanges, a ressenti le besoin d'un fonds politique.

La mise en place des consultations au sujet d'un fonds politique a provoqué un retour de bâton contre la politique de Thatcher. En effet, les militants de gauche dans plusieurs syndicats ont saisi l'occasion pour faire campagne pour la mise en place d'un fonds politique, et ont souvent réussi. Cette mesure qui visait à dépolitiser le syndicalisme a, dans bien de cas, repolitisé plutôt certains syndicats.
 
 

7. La reconnaissance syndicale
 
 

L'idéal de non-syndicalisme fut poursuivi par le gouvernement en réduisant les facilités accordées aux syndicats dans les entreprises, et en décourageant des accords de reconnaissance syndicale.

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Employment Act 1980

Abolition des procédures légales de reconnaissance syndicale

Employment Act 1989

Les heures de délégation payées aux représentants syndicaux sont réduites.

Trade Union reform and Employment Act 1993

Dans la constitution de l'ACAS, organisme gouvernemental chargé des rapports entre employeurs et salariés, encourager le développement de la négociation collective ne fait plus partie des statuts. Cette mesure accompagne la mise en place dans beaucoup d'entreprises de contrats individualisés.

Dans le même esprit, la loi de 1988 rendait illégal le fait de discipliner un membre d'un syndicat qui refusait de faire grève, et créa un nouveau poste gouvernemental, le "Commissioner for the Rights of Trade Union Members

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Comment juger l'effet des lois thatchériennes?

Les lois mises en place dans les années 1980 et 1990 visaient à réduire radicalement l'influence de l'organisation collective, en mettant en avant la défense du droit des employeurs ("le droit de diriger"), et les droits démocratiques des individus. Ainsi le gouvernement s'insurgea contre tout soupçon de corporatisme, de priorité donnée à des formes collectives de représentation.

L'efficacité des mesures est difficile à saisir, même si on peut affirmer sans crainte que l'effet conjoint des nouvelles conditions économiques (désindustrialisation, chômage…), des défaites syndicales majeures (les mineurs…) et de ces nouvelles lois fut une démoralisation et une démobilisation des syndicats qui dura au moins 15 ans et dont le mouvement syndical n'est pas encore tout à fait remis.

Différents acteurs ont estimé diversement l'efficacité de ces lois. Le directeur de ressources humaines du ministère de la santé et de la sécurité sociale m'a confié :

      The legislation changed a lot. It altered the balance between unions and management. There's a better balance now. …There have been significant changes in the DSS Industrial Relations in the 1980s : more so than in other departments. The power of the unions has changed. At one stage the unions were firmly in the driving seat. Now management is. With the legislation which curtailed union power, the pendulum has swung over. (interview avec l'auteur oct 1991)

Mais un des auteurs de l'étude la plus complète des ressources humaines dans la fonction publique a relativisé cette conclusion.

      In short, the government has not transformed public sector industrial relations in Britain to anything like the extent that it has sought…. (Beaumont 1992:177)

Par ailleurs, l'intention démocratique des lois est mise en doute par de nombreux éléments. D'abord des mesures évidemment anti-démocratiques

  • les scrutins postaux malgré la baisse des taux de participation,
  • le besoin de 80% des voix pour certaines décisions - une contrainte imposée dans nulle autre organisation démocratique
  • l'interdiction de certaines décisions même prises démocratiquement (interdiction par exemple de mesures disciplinaires contre les non-grévistes)
  • le rejet de toute autre vision de la démocratie (participative…)

Les lois ont eu moins d'effet que le gouvernement ne voulait, voire des effets contraires aux intentions du gouvernement dans la mesure où la réalité sociale ne correspondait pas à leur vision de l'individualisme des salariés. On peut dire que la vision des syndicats privilégiée par Thatcher, inspirée par Hayek et d'autres, est d'une grande simplification. Ainsi leur analyse des directions syndicales peu démocratiques, de syndicats politisés contre le gré de leurs membres ou de grèves imposées sur des salariés réticents les mena à imposer des contraintes qui dans certains cas étaient loin d'avoir l'effet voulu.

La mise en place d'une loi n'a jamais garanti son utilisation effective, comme nous l'avons signalé ci-dessus. Kahn avait déjà commenté

      The use of legal procedure may (...) be abjured precisely because of the subsequent disruption and mobilisation it may elicit (Kahn et alii 1983:71)

En effet, plusieurs des mesures législatives ont été peu utilisées à cause de la situation des employeurs qui ont besoin - au jour le jour - des représentants syndicaux dans l'entreprise pour d'innombrables questions techniques, et qui ne peuvent pas seulement les voir comme un simple ennemi à bannir.

La réussite en termes généraux de la campagne anti-syndicale des gouvernements conservateurs, malgré les échecs de certaines mesures législatives, fait souvent oublier le grand nombre de mesures qu'ils n'ont pas réussi à prendre. En 1988, Norman Fowler annonça sa volonté d'interdire purement et simplement les grèves dans les services "essentiels". (Daily Telegraph 18.04.88). Le gouvernement n'osera pas donner suite à l'idée. Et la désyndicalisation du GCHQ, qui devait sans aucune doute n'être que la première d'une série de mesures de désyndicalisation, est restée un cas isolé. En 1988, il avait été question d'inclure dans la loi une mesure interdisant aux syndicats de la fonction publique d'être affiliés au parti travailliste, mais cette mesure fut abandonnée. Le travail d'un gouvernement, conservateur ou autre, dans le domaine des rapports avec le mouvement organisé, consiste en une évaluation permanente des rapports de force et de la capacité de mobilisation des syndicats. Trop de commentateurs se sont laissés aller à exprimer des scénarios catastrophes de la toute puissance de Mme Thatcher face aux syndicats ou, d'ailleurs, à toute opposition politique.

Il n'empêche que le mouvement syndical souffrit pendant ces années de gouvernement conservateur d'un déclin très fort, même si ces lois n'en étaient pas la cause principale.

      Although Britain has experienced a sharp decline in trade union membership over the 1980s and 1990s, so have many other countries. Britain’s ‘league position’ in terms of unionisation among OECD countries has barely changed between 1970 and 1995. This confirms the verdict of economic studies of the effects of structural change that it is unclear whether Britain’s legislative experience had a distinctive impact on unionisation. (Brown, Deakin and Ryan sd)

Il a été suggéré (Barlow 197) que les lois visaient à affaiblir les syndicats là où ils étaient le plus implantés, le chômage de masse ayant suffi pour affaiblir les syndicats dans des secteurs moins fortement syndiqués.

Dernièrement, il faut souligner l'importance de l'effet politique de ces lois, au delà de leur effet pratique. Une série de lois "contre le pouvoir des syndicats" a réussi à mettre cette question - du pouvoir des syndicats - au centre de la place publique, avec l'aide de la grande presse largement gagnée aux thèses anti-syndicales. Au sein d'une stratégie d'ensemble comprenant la privatisation, la dérégulation des services publics, et en général une domination plus forte du système de profit comme moteur moral et économique, ce positionnement politique avait une importance qui allait plus loin que son efficacité directe.
 
 

Les gouvernements de Tony Blair

La structure de notre article peut amener le lecteur à supposer que nous allons présenter la politique du gouvernement de Tony Blair en la matière comme étant un simple post-scriptum du projet thatchérien. En effet, depuis 1979, ce sont les propositions et les législations de la nouvelle droite qui ont défini l'ordre du jour du débat politique dans ce domaine. Une lecture des extraits suivants des manifestes travaillistes depuis 1979 éclaire la situation.
 
 

1983 We will repeal the divisive Tory 'employment' laws and provide new statutory support for collective bargaining…

1987 We will replace Tory legislation that gives employers and non-unionists the means to frustrate legitimate trade union activity. New laws will strengthen the legal rights of representation, bargaining and trade unionism that are essential in a modern democracy.

We will ensure that the law guarantees the essential legal freedom of workers and their unions to organise effective industrial action.

1992 There will be a fair framework of law for both employers and unions. There will be no return to the trade union legislation of the 1970s. Ballots before strikes and for union elections will stay. There will be no mass or flying pickets.

1997 We have rewritten our constitution, the new Clause IV, to put a commitment to enterprise alongside the commitment to justice. We have changed the way we make policy, and put our relations with the trade unions on a modern footing where they accept they can get fairness but no favours from a Labour government…

In industrial relations, we make it clear that there will be no return to flying pickets, secondary action, strikes with no ballots or the trade union law of the 1970s. There will instead be basic minimum rights for the individual at the workplace, where our aim is partnership not conflict between employers and employees…

The key elements of the trade union legislation of the 1980s will stay - on ballots, picketing and industrial action. People should be free to join or not to join a union. Where they do decide to join, and where a majority of the relevant workforce vote in a ballot for the union to represent them, the union should be recognised. This promotes stable and orderly industrial relations. There will be full consultation on the most effective means of implementing this proposal…
 
 

La simple lecture de ces extraits montre à quel point la nouvelle direction du parti travailliste était convaincu que M. Thatcher avait gagné la bataille de l'opinion publique sur la question syndicale. Dès 1987 nous voyons le remplacement du mot "repeal" par le mot "replace", un changement significatif, et petit à petit un mouvement bien plus marqué vers les positions thatchériennes. Cette évolution a été remarquée dans d'autres domaines que nous ne discuterons pas ici, sauf pour signaler que l'identification du parti travailliste avec le mouvement ouvrier lors de conflits sociaux n'est plus de mise.

Tony Blair a voulu défendre une "troisième voie" qui le rapprocha des milieux des affaires. Il déclara en mai 2001 lors du lancement du "Business Manifesto" de New Labour

      One of the most important changes there's been in politics in the past few years is that New Labour has replaced the Conservative Party as the party for business, for stability, for economic competence. (29.05.01 BBC News)
       

Le domaine des lois sur les syndicats est un des domaines où la continuité avec le projet thatchérien est le plus clair. D'autres questions telles que l'introduction d'un salaire minimum montre une volonté de rompre avec Thatcher.

Toutes les lois que nous avons énumérées ci-dessus sont restées en vigueur, avec quelques ajustements. Par exemple, droit de l'employeur de licencier des grévistes a été restreint, le délai après une consultation pendant laquelle un syndicat peut appeler à une grève est passé de quatre semaines à huit semaines. Le poste gouvernemental de "Commissionner for the Rights of Trade Union Members" a été supprimé, et l'utilisation des "listes noires" de syndiqués par les employeurs est devenue illégale.

Mais si l'approche thatchérienne envers les grèves et envers la démocratie syndicale est reprise par Blair, il y a néanmoins une nouvelle attitude envers la négociation collective. Une des influences fortes du thatchérisme était l'idée selon laquelle la négociation collective en soi constitue un élément perturbateur de la marche "normale" de la société. C'est pour cela que les institutions et procédures visant à encourager voire institutionnaliser la négociation collective ont été supprimés sous Thatcher.

Le gouvernement Blair a une orientation tout à fait contraire. Il a introduit, dans le Employment Relations Act en 1999, des nouvelles procédures de reconnaissance syndicale. Si un syndicat peut démontrer que plus de la moitié des salariés sur un lieu de travail appartiennent au syndicat, l'employeur est obligé de négocier avec ce syndicat. Si le syndicat n'a pas encore recruté cinquante pour cent des salariés, il peut demander à une commission spécialisée l'organisation d'une consultation. Une simple majorité alors suffit de faire reconnaître le syndicat, à condition que 40% des salariés ( et non des votants) s'expriment dans ce sens. Les syndiqués qui font campagne sur leur lieu de travail pour une telle reconnaissance bénéficient d'une certaine protection contre le licenciement.

La reconnaissance syndicale n'est pas une mesure venue uniquement de la tradition travailliste. En 1968, .le projet du parti conservateur propose que :

      Employers should have a legal duty to recognize and negotiate with trade unions where a majority of employees desire union negotiations on their behalf. (Conservative Party 1968:27)
       

C'est l'arrivée de la crise et la montée du thatchérisme qui a enterré cette attitude

Les deux approches, de Blair et de Thatcher reflètent également deux approches parmi les employeurs dans le secteur privé. Il y a de nombreux employeurs qui trouvaient le closed shop pratique, garant d'avoir un seul interlocuteur dans des situations complexes de gestion de ressources humaines. Ces employeurs voient les dirigeants syndicaux, nationaux, régionaux et même locaux, comme des partenaires qui permettent de gérer le mécontentement inévitable d'une partie de leurs salariés. Le porte-parole de la CBI (syndicat des employeurs) a expliqué

      The CBI has many members that have partnerships with unions and see them as giving competitive advantage - but that doesn't mean we think collective bargaining is a model for all companies. (cité The Observer Sunday August 26, 2001)

D'autres employeurs sont hostiles à la négociation collective et ne l'utilisent que contraints et forcés. Les gouvernements de Thatcher et de Blair ont choisi un groupe différent d'employeurs comme modèle de l'approche à favoriser.

Les deux types d'employeurs continuent d'exister dans le monde de Tony Blair. On constate un nombre croissant d'entreprises qui introduisent des contrats individualisés, soustraits à toute négociation collective. D'ailleurs le gouvernement de Blair prévoit des protections légales pour les salariés qui refuseraient l'imposition de contrats individualisés par l'employeur.

Les nouvelles procédures de reconnaissance syndicale ont permis une syndicalisation d'entreprises d'employeurs hostiles. Pendant l'année 2000, 159 accords de reconnaissance ont été signés. Dans plus de la moitié des cas, les syndicats ont considéré que la nouvelle loi a influencé favorablement la situation. Un sondage montre que 71% des syndicats considèrent qu'il est désormais plus facile de gagner la reconnaissance syndicale. 64% d'entre eux ont des campagnes en cours.

La loi a donc permis d'imposer la négociation collective à des employeurs hostiles. Nombre des campagnes en cours vise à faire reconnaître par l'employeur des syndicats qui frisent les 100% d'adhésions dans leur entreprise. Néanmoins, les 159 nouveaux accords ne concernaient qu'un total de 58 000 travailleurs.

Il n'est pas facile d'évaluer l'effet futur de cette nouvelle loi sur une éventuelle remontée du nombre de syndiqués. Le potentiel est réel - en 1998, le British Social Attitudes Survey a démontré que 40% des salariés qui travaillent sur un lieu de travail où il n'y a pas de syndicat, disent qu'ils se syndiqueraient "probablement" si un syndicat était présent. C'est un résultat très significatif, et des campagnes de syndicalisation ciblées pourraient sans doute accroître rapidement ce pourcentage. Charlwood estime que si les syndicats utilisaient pleinement les lois, ils pourraient gagner 3 millions de nouveaux syndiqués parmi ceux qui sont déjà convaincus de l'intérêt de se syndiquer. (Charlwood 2001:1 )
 
 

Conclusions

Les lois thatchériennes sur les syndicats ont produit des effets divers et pas toujours ceux voulus par les gouvernements. Le gouvernement Blair a voulu garder en place l'essentiel du dispositif, qui avait, semble-t-il, recueilli l'adhésion d'une bonne partie de l'opinion publique dans une ambiance politique difficile pour les syndicats. Particulièrement, il comptait garder tout ce qui restreignait le conflit social.

La contribution de Tony Blair a été de préférer l'implication des directions syndicales dans le "dialogue social" à une tentative de minimiser leur rôle. Sur cette question, il montre une autre vision des syndicats et de la négociation collective que celle du thatcherisme.

Le déclin du syndicalisme et du nombre de grèves au Royaume Uni ne peut pas être expliqué par la seule offensive législative. Le chômage, les changements dans le marché de l'emploi, le déclin de l'industrie, ont tous joué un rôle.

D'ailleurs le déclin ne saurait être considéré comme définitif. Le nombre de syndiqués s'est désormais stabilisé, la sympathie d'un grand pourcentage de non-syndiqués avec le syndicalisme est démontrée. Les nouvelles lois sur la reconnaissance syndicale ouvre un champ de recrutement relativement facile aux syndicats.

Nous ne saurions deviner l'avenir du syndicalisme. Son affaiblissement a permis l'avancée de nouvelles tendances dans la gestion du personnel, notamment la sous-traitance, l'individualisation des contrats et des rémunérations, qui à leur tour ont affaibli la capacité d'agir du syndicalisme.

Néanmoins, une approche législative qui visent à rendre plus difficile la grève légale peut, dans une période de mécontentement des salariés, simplement faire monter le nombre de grèves "sauvages" et illégales. En juillet 2001, le gouvernement a publié un rapport sur les conflits sociaux à la Royal Mail, où on se plaignait de la généralisation de grèves sauvages. (BBC 27.07.01) Le rapport montrait que toutes les tactiques classiques des syndicats des années 1970 étaient encore utilisées dans les années 2000 illégalement (blacking, piquets volants…) Il ne s'agit pas d'un phénomène marginal : en 2000, il y eut 60 000 journées de grève à la poste, l'essentiel dans des grèves illégales. L'avenir nous dira à quel point les tentatives thatchériennes de domestiquer définitivement le mouvement syndical britannique ont réussi.

Ouvrages cités

Presse

Presse généraliste : The Independent, The Guardian, The Mail on Sunday, Morning Star

Revues mensuelles : Labour Research

Publications officielles : Hansard, Les textes des lois

Barlow G K (sans date)The Labour Movement in Thatcher's Britain European University Studies

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Brown, W.A., Deakin, S. and Ryan, P. (1997), The Effects of British Industrial Relations Legislation, 1979-97, National Institute Economic Review , No 161.

Charlwood Andy (2001)Why Do Non-Union Employees Want To Unionise? Evidence from Britain Centre for Economic Performance London School of Economics and Political Science

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Manning, Alan, (1992) An Economic Analysis of the Effects of Pre-strike Ballots.

Mullen John (1993) Le conflit social dans la fonction publique britannique sous les gouvernements de Thatcher et de Major. Thèse de doctorat soutenu à l'université de Paris VIII.

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Undy Roger et alii (1996) Managing the Unions. the Impact of Legislation on Trade Unions' Behaviour. Oxford. Clarendon Press.

Annexe A - Liste des sigles

ACAS Advisory, Conciliation and Arbitration Service

IRSF Inland Revenue Staff Federation

NATFHE National Association of Teachers in Further and Higher Education

NUJ National Union of Journalists

PCS Public and Commercial Services Union

CPSA Civil and Public Services Association

TGWU Transport and General Workers Union

Annexe B

Grévistes et journées de grève en Grande Bretagne (milliers)

1946-52 444 1 887

1953-59 551 3 950

1960-64 1 499 3 180

1965 874 2 925

1966 544 2 398

1967 734 2 787

1968 2 258 4 690

1969 1 665 6 846

1970 1 801 10 980

1971 1 187 13 551

1972 1 734 23 908

1973 1 528 7 197

1974 1 626 14 750

1975 809 6 012

1976 668 3 284

1977 1 166 10 142

1978 1 042 9 405

1979 4 608 29 474

1980 834 11 964

1981 1 513 4 266

1982 2 103 5 313

1983 574 3 754

1984 1 464 27 135

1985 791 6 402

1986 720 1 920

1987 887 3 546

1988 790 3 702

1989 727 4 128

1990 298 1 903

source Barlow sd 208-210

Annexe C

Nombre de syndiqués en Grande-Bretagne (millions)

1970  9,4
1971 10,0
1972  9,9
1973  10,0
1974  10,0
1975  10,4
1976  11,0
1977  11,5
1978  11,9
1979  12,1
1980  12,2
1981  11,6
1982  11,0
1983  10,5
1984  10,1
1985  9,9
1986  9,6
1987  9,2
1988  9,1
1989  8,9
1990  8,8
1991  8,6
1992  7,9
1993 7,7
1994  7,5
1995  7,3
1996  7,2
1997  7,2
1998  7,2
1999  7,3
2000  7,3
(source TUC, Department of Employment. Les différentes sources donnent des chiffres légèrement différents selon la méthode de calcul)

Annexe D

Extrait du Public Order Act 1986

Section 1 - Riot

(1) Where 12 or more persons who are present together use or threaten unlawful violence for a common purpose and the conduct of them (taken together) is such as would cause a person of reasonable firmness present at the scene to fear for his personal safety, each of the persons using unlawful violence for the common purpose is guilty of riot.

(2) It is immaterial whether or not the 12 or more use or threaten unlawful violence simultaneously.

(3) The common purpose may be inferred from conduct.

(4) No person of reasonable firmness need actually be, or be likely to be, present at the scene.

(5) Riot may be committed in private as well as in public places.

(6) A person guilty of riot is liable on conviction on indictment to imprisonment for a term not exceeding 10 years or a fine, or both.