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Le site Berlemon à l'heure présidentielle (3) : la "philatélie présidentielle" (1849 à nos jours)

La Présidence de la République est née à peu près en même temps que le timbre-poste, sous la Deuxième République. En effet,  le prince Louis-Napoléon Bonaparte est élu en décembre 1848 (lire mon précédent article) président de la nouvelle république, tandis que le premier timbre est émis par la Poste le 1er janvier 1849, sous les traits de la déesse Cérès. Le président en exercice conserve la figurine Cérès jusqu'à son coup d'état de décembre 1851. En 1852 , les timbres-poste sont désormais à l’effigie du prince-président, devenu empereur à la fin de l'année. La mention REPUB FRANC est remplacée par EMPIRE FRANC en 1853 puis EMPIRE FRANCAIS en 1868 (avec une couronne de lauriers sur la tête impériale). On quitte donc la thématique présidentielle pour plus de quinze années, jusqu'à la chute du régime en 1870..

1852 18541868

En 1870, la nouvelle République n’a aucunement l’intention d’émettre des timbres ou des monnaies à l’effigie des présidents : ce serait un retour au culte de la personnalité mis en place par Napoléon III pendant son règne. Ce sont donc des allégories plus classiques qui sont retenues par l’administration jusqu’en 1940 : Cérès, Mercure, Iris, Marianne, la Paix, le Commerce, la Justice, les Droits de l’Homme. Seul Louis Pasteur a le privilège d’apparaître sur les timbres d’usage courant en 1923. S'il n’est assurément pas un homme politique, il n'en reste pas moins une figure majeure d'un Panthéon républicain qui accueille volontiers les savants. Les premiers « politiques » à être représentés doivent attendre 1933 : il s’agit d’Aristide Briand, un ancien président du conseil et aussi prix Nobel de la Paix 1926, et de Paul Doumer, éphémère président de la République en 1931-32, assassiné par un jeune émigré russe, Paul Gorgulov.


Les hommes politiques sont toutefois prisonniers d’une règle d’or, qui veut que la France n’honore pas postalement des personnages vivants ou en exercice, contrairement à bien d’autres pays. Une règle qui n’est modifiée qu’entre 1940 et 1944 avec le régime de Vichy, le maréchal Pétain faisant disparaître la République française (devenue Etat français) et réintroduisant la figure du chef de l’Etat sur les timbres, billets de banque et monnaies. Il faut noter qu'en 1944, les timbres émis par la France Libre à partir de Londres ou d'Alger se gardent bien de représenter le général de Gaulle. C'est un retour aux symboles de la République : la Marianne, le coq gaulois...

Le retour à la « règle » s’impose à la Libération et se précise après 1945 : l’administration va émettre chaque premier anniversaire du décès d’un Président de la République un timbre en hommage à celui-ci. Cette tradition se perpétue pour les 10e et 20e anniversaires (etc.) et seul Charles de Gaulle a eu un timbre spécifique pour le 5e anniversaire de sa mort.

Pour l’anecdote, quatre présidents sont décédés en cours de mandat: sous la IIIème République, Sadi Carnot (assassiné), Félix Faure (d’un arrêt cardiaque (?) en galante compagnie), Paul Doumer (assassiné), et sous la Vème République Georges Pompidou (de maladie). En 1969 et en 1974, le président du Sénat Alain Poher a effectué selon la Constitution deux intérims, suite à la démission de Charles de Gaulle en 1969 et au décès de Georges Pompidou en 1974. Un timbre a donc été logiquement émis en 2006 pour le dixième anniversaire de la mort de Poher (en 1996), sèchement battu au deuxième tour de la présidentielle de 1969 par G.Pompidou.

Il est aussi possible de commémorer le centenaire de la naissance d’un président, ainsi V.Auriol en 1984 (né en 1884), Pompidou en 2011 (né en 1911), associé au Centre d’Art contemporain qui porte son nom ou, à travers une figure présidentielle, l’anniversaire d’un texte constitutionnel, ainsi en 2008, le cinquantenaire de la Constitution de Vème République gaullienne.

De fait, c’est le général de Gaulle qui apparaît comme le personnage présidentiel le plus représenté dans la philatélie depuis 1970. Il est en effet célébré comme le premier président de la Vème République mais aussi comme le résistant, l’Homme du 18 juin (une dizaine de timbre émis sur la seule période 1940-1944) et le président du GPRF à la Libération. Il est aussi associé à toute sortes de monuments,  réalisations et anniversaires : ainsi l’amitié franco-allemande (en 1988), l’aéroport Ch.de Gaulle (1974), le porte-avion Ch. de Gaulle (2003) et quelques autres thématiques.


La « philatélie présidentielle » est donc assez riche de perspectives et elle s'oriente autour de trois supports assez différents : les timbres-poste émis, bien sûr, mais aussi les griffes de franchise et les oblitérations temporaires. S'agissant de timbres-poste, sur les vingt-cinq présidents de la République, onze seulement ont eu les honneurs des Postes : Louis-Napoléon Bonaparte (de son vivant donc), Adolphe Thiers, Sadi Carnot, Raymond Poincaré, Paul Doumer (voir plus haut), Vincent Auriol, René Coty, Charles de Gaulle et Georges Pompidou (voir plus haut) et François Mitterrand (voir plus bas).

Les présidents encore en vie ou en exercice en sont exclus (Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande) selon la tradition républicaine mais beaucoup n’y figurent même pas alors qu’ils n’ont pas tous nécessairement laissé un si mauvais souvenir (ainsi dans l’ordre chronologique Patrice de Mac Mahon, Jules Grévy, Jean Casimir-Perier, Félix Faure, Émile Loubet, Armand Fallières, Paul Deschanel, Alexandre Millerand et Albert Lebrun). A cela trois raisons principales : d’abord les timbres commémoratifs de nature politique sont arrivés tardivement (dans les années 30), ensuite quelques personnages rappellent des époques difficiles (Mac Mahon l’ordre moral et le péril monarchiste, Lebrun la défaite de 1940), des scandales et fait divers - Félix Faure mort on l’a dit dans des conditions particulières ou des parcours peu glorieux (Casimir Périer démissionne au bout de six mois), enfin les Postes n’ont pas eu vraiment l’idée de publier une « galerie des présidents » dans une série complète de « personnages célèbres ». C’est un peu regrettable sur le plan de la pédagogie politique et même curieux dans certains cas particuliers. Ainsi on peut comprendre que la IVème République n’ait pas eu très envie d’honorer Alexandre Millerand, président fort en gueule, démissionnaire en 1924 pour avoir réclamé un pouvoir présidentiel plus fort, mais la Vème République aurait pu lui donner un peu plus de visibilité mémorielle !
Sur le plan de la reproduction technique, il faut attendre 1997 pour que l’image du président (François Mitterrand en l’occurrence) soit une photographie mise en page et non un dessin gravé. C’est d’ailleurs plus un choix esthétique – la Poste emploie de talentueux graveurs souvent issus de l’école Estienne – qu’un véritable retard technologique de la philatélie française.

Concernant la présidence de la République, il est possible d’élargir la thématique à d’autres sujets, ainsi le Palais de l’Elysée (timbre de 1957) ou montrer quelques grandes réalisations liées aux divers septennats (les grands travaux mitterrandiens de la capitale sont représentés en 1989 aux côtés de la Tour Eiffel et de Notre-Dame de Paris, rien de moins !).


Ajoutons le fait que depuis le début de la Vème République, chaque président nouvellement élu choisit une figure pour illustrer le timbre dédié à l’affranchissement du courrier courant à destination de la France, de l’Europe et du monde. Ce choix n’est pas sans conséquences et il s’appuie sur des considérations esthétiques mais aussi politiques, avec quelques belles – et moins belles - surprises. Ainsi en 1961 le général de Gaulle choisit-il une Marianne très stylisée dessinée par Jean Cocteau ; en 1974 Valéry Giscard d’Estaing impose une Marianne minuscule qui s’efface derrière la tarification (un symbole ?) ; la Marianne du bicentenaire (1989) choisie par Mitterrand est une création numérique, la première du genre ; en 1997 le président Jacques Chirac approuve le choix d’un jury sur le thème d’une Marianne qui réaffirme les valeurs de la République, liberté, égalité et fraternité ; en 2013, la Marianne du quinquennat Hollande est inspirée d’une « femen » ukrainienne, Inna Shevchenko…

La Marianne de Cocteau en 1961

Quelques autres supports méritent l’attention. Il s’agit d’abord du courrier présidentiel. Il est facilement identifiable grâce à la « griffe présidentielle », une cursive qui existe dès 1849 et qui est institutionnalisée en 1874, sous des formes diverses et généralement de couleur rouge. Le Président de la République Française a bénéficié de la franchise postale (pour les lettres qu'il expédie dans le cadre de sa fonction) jusqu'au 1er janvier 1996, date à laquelle la Présidence a commencé à utiliser une machine à affranchir.

Après cette date également, les envois à destination du président bénéficient d'une dispense d'affranchissement par l'expéditeur. Toutefois, même avant 1996, la présidence n’est pas dispensée de l’affranchissement à destination de l’étranger. Enfin presque…Pour éviter à ces lettres d'être taxées, l'affranchissement sous forme de timbre(s)-poste était pris en charge par le bureau de dépôt. Ces plis se caractérisent par un premier timbre-à-date apposé par le bureau d'origine. Le bureau apposant le timbre oblitère ce dernier avec son timbre-à-date, généralement différent (ce n'est pas le même bureau !) et daté du lendemain ou de quelques jours après. (source :  Les amis de Marianne.fr).


En ce qui concerne les autres marques postales, plusieurs oblitérations sont à remarquer, celles du cachet dateur de la présidence bien sûr, mais aussi certains cachets plus spécifiques : ceux du Congrès de Versailles, des voyages présidentiels, des « Premiers jours » d’émission des timbres. Les oblitérations du Congrès pour l’élection du président par les deux chambres ne concernent évidemment pas sous la Vème République l’élection du président au suffrage universel (celle-ci est actée en 1962 et se déroule en 1965), mais on trouve toutefois une rare griffe du 21 décembre 1958, à l’occasion de l’élection de Charles de Gaulle par les "grands électeurs". C’est à partir du 18 février 1899, à l’occasion de l’élection de Loubet, qu’est utilisé un cachet « Versailles Congrès Poste » qui officialise en quelque sorte cette journée historique.

(1913 : élection de R.Poincaré)

Les voyages présidentiels sont aussi susceptibles d’être commémorés lors de déplacements en province par exemple (ainsi Vincent Auriol en 1947 qui renoue avec les "inaugurations" propres à la précédente république) ou dans les colonies (le même Auriol), ou à l’étranger (Mitterrand vers l’Indonésie en Concorde supersonique en 1986).

Concernant enfin les premiers jours d’émission des timbres, ils n’ont en réalité qu’un faible intérêt historique, puisqu’il s’agit surtout de marquer par un cachet dit « Premier Jour » la sortie nationale d’un timbre-poste (ainsi la vente anticipée du timbre hommage à François Mitterrand s’est faite à Château-Chinon, ville dont il a été le maire).


De toute évidence, l’approche philatélique d’un tel sujet peut aussi être étendue à la façon dont les présidents ont été représentés dans les pays étrangers. Une étude du Monde des Philatélistes de janvier 1992 montrait qu’en 1990, une vingtaine de pays avait émis des timbres sur le général de Gaulle, cumulant l’anniversaire du 18 juin 1940 et le vingtième anniversaire de sa mort. Les pays africains de l'ex AOF/AEF sont ceux qui ont le plus souvent "timbrifiés" les présidents français, parfois sans grande inspiration esthétique (cf. l'image ci-dessous du général). En réalité, ces timbres ne sont pas toujours destinés au marché local, mais ils sont une source de devise non négligeable par leur vente aux collectionneurs francophone. Ils servent aussi d'instrument de propagande pour les chefs d'Etat africains. D'un point de vue philatélique (mais aussi avec quelques conséquences politiques !), Valéry Giscard d'Estaing apparaît très souvent aux côtés de ses "amis africains" (voir le site très complet de
Jean Goanvic sur la philatélie coloniale et néo-coloniale).     

Une chose est certaine : le prochain président de la Vème République n’a aucune chance de se retrouver sur un timbre-poste français, à moins de changer l’usage et la loi, ce que firent pourtant Napoléon III en 1852 puis le Maréchal Pétain en 1940.

Il n’est guère à souhaiter pour la République qu’une telle situation se reproduise en 2017 !

BL (février 2017)

Le site Berlemon à l'heure présidentielle (2) : décembre 1848

Le site Berlemon à l'heure présidentielle (1): la candidature Coluche

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

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